On entend souvent que le peuple japonais est un peuple à part. Que l’idéologie, l’éducation, leur façon d’être, leurs mœurs, dépassent notre entendement. Peut-être que le cinéma pourrait être une bonne façon de percer cette culture assez hermétique. Regarder, découvrir. Finir par comprendre que ces règles qu’on nous a apprises à l’école, à savoir introduction, intrigue et mise en place de la fin sont inexistantes dans les récits japonais.
Il ne s’agit pas de donner un sens, une morale. De nous imposer un chemin voué à nous amener quelque part, mais d’explorer un fait qui se passe dans le présent. Comme beaucoup des films indiens, la situation, le cadre, les personnages, même l’espace, sont détaillés à l’extrême, laissant l’intrigue se dérouler en arrière-plan. Comme si cette intrigue n’était que le résultat de tous les éléments extérieurs qui l’entourent.
La personne qui regarde un film japonais pour la première fois, pourrait garder un sentiment de frustration. D’avoir manqué quelque chose d’essentiel. La surface se présente très linéaire. On est conscient que tout un univers se cache sous toutes ses couches, souvent délurées et incompréhensibles. Mais de quel univers s’agit-il ? Alors, soit nous passons à un cinéma plus concret, qui nous mâche tout le travail, soit le concept de se faire sa propre idée nous amène à voir d’autres films japonais.
Voici trois films japonais qui nous ont touché et qui décrivent de façon exhaustive, certains des aspects de la culture japonaise.
Bandage
L’histoire
Asako réussi à se faufiler au backstage de son groupe préféré. Elle rencontre Natsu. Film presque documentaire, qui explique les aléas du monde de la musique à travers le group de pop-rock LANDS. Des histoires de disputes, d’amour, des remises en question.
Fiche technique
Réalisateur : Takeshi Kobayashi
Scénario : Shunji Iwai, Chika Kan
Genre : Drame, musique, romance
Durée : 1h59
Année : 16 janvier 2010
Distribution : Jin Akanishi, Kii Kitano, Kengo Kora
Impressions
Réalisé par le producteur musical Takeshi Kobayashi, ce film n’a pas vraiment d’histoire. Situé dans les années 1990 d’un Japon où la montée et la chute de groupes était une pratique courante à cause de « talent shows TV », nous assistons, presque comme à travers le trou d’une serrure, à la course effrénée et pas toujours assumée vers le succès.
Ce sont des séquences de vie, surtout de la vie torturée de Natsu, leader du group LANDS. Asako rentre dans sa vie et son style de musique change. Cela dérange fortement le reste du groupe mais, c’est trop tard, il ne peut que subir ces sentiments. L’esprit de Natsu, bascule. Apparemment ivre pendant tout au long du film (pas toujours évident de cerner si leur façon déjantée d’agir est le résultat d’un psychotrope, de l’alcool, ou s’il s’agit tout simplement d’un genre), interprète le rôle d’un chanteur de rock, enfin, du neo-rock/alternative plus exactement. Un personnage sombre vivant dans son propre monde.
Il va renaître de ses cendres et devenir l’être magnifique enfui au fond de lui.
Jin Akanishi, qui donne a Natsu une personnalité assez paumée et fragile, est touchant par son interprétation à la « Akira… Shock » (Nobtuta wo Produce). Bandage est une description, une ambiance, et Jin Akanishi, avec sa voix, son look, sa dimension, son style, donne à lui tout seul le mood, la force et le charisme nécessaire pour porter le film.
La bande sonore est merveilleuse. Le montage, une camera indiscrète. Jin Akanishi, un vrai plaisir à voir et à écouter.
Death Note
L’histoire
Light Yagami, étudiant en droit, trouve un cahier appartenant à un Shinigami (Personnification de la mort au Japon). Lisant le mode d’emploi, il découvre que toute personne dont le nom sera inscrit dans ce cahier mourra. D’abord sceptique, il apprend très vite à s’en servir. Rêvant d’un monde meilleur, il commence à éliminer tous les criminels un par un. Petit à petit il s’en servira à ses propres fins. Reconnu par le monde en tant que Kira, il devient le principal suspect de l’enquête de L, le meilleur détective du monde
Fiche technique
Réalisation : Shūsuke Kaneko
Scénario : Tsugumi Ôba & Takeshi Obata (manga), Tetsuya Oishi (film)
Date de sortie : Japon, 17 juin 2006
Distribution : Tatsuya Fujiwara, Ken’ichi Matsuyama, Toda Erika
Impressions
Death note n’a pas eu beaucoup de succès au Japon. Il est vrai qu’il est difficile d’adhérer à des personnages des dessins animés transformés en « vraies » personnes. Et puis c’est toujours très délicat de faire une adaptation. Charles M. Schulz, le créateur de Charlie Brown, avait raconté une fois que quand ses personnages avaient commencé à passer à la télévision, il avait reçu une lettre d’un petit garçon en lui disant que sur la BD, Charlie n’avait pas la même voix. Il est très difficile de capter l’essence de la création originelle car cela dépendra toujours de la perspective dont on regarde.
Ce Shinigami qui ne mange que des pommes et qui a envie de s’amuser. L, accroupi sur son canapé mangeant des sucreries non-stop… le film garde quand même ce côté délirant digne de Boris Vian. Le réel se mélange au fantastique comme si tous les deux faisaient partie de la même dimension.
Si on ne peut pas résister à la tentation de comparer le film et l’anime, on pourrait dire que le film semble plus percutant et sombre. Malgré cet arrière-plan fantastique, il se veut tellement réaliste qu’on arrive à rentrer dans ce monde parallèle, nous sommes kidnappés et le film devient une réalité qui donne froid au dos.
Still the water
L’histoire
Sur l’île d’Amami, au Japon, les habitants vivent en harmonie avec la nature. Un drame arrive lorsqu’un cadavre est retrouvé dans la mer. Kaito est profondément marqué, tandis que son amie, Kyoko, fait face aux derniers jours de sa mère, gravement malade. Ils accepteront l’idée de la vie et de la mort, tout en découvrant ensemble l’amour et leur sexualité naissante. (Wikipedia)
Fiche technique
Réalisation et Scénario : Naomi Kawase
Sortie :2014
Distribution : Nijirō Murakami, Jun Yoshinaga
Impressions
Naomi Kawase, connue en particulier par ses documentaires (la chaîne Arte France en a coproduit trois) nous présente, comme à son habitude, un film intimiste et poétique qui nous transporte vers l’un des aspects de la société japonaise. L’île, les histoires, les paysages, l’eau… mais le plus important c’est le noyau familial. Les mœurs, la vie quotidienne. La réalisatrice privilégie plus le cadre que l’intrigue et parfois, on se croirait dans un film de Miyasaki.
Still the water a été tourné dans la nature pittoresque de la ville d’Amami, Amami Ōshima, dans la préfecture de Kagoshima, au Japon en 2013. À travers sa caméra indiscrète, Naomi Kawase arrive à capter l’atmosphère de l’île, des traditions. Elle fait un parallèle entre le déchaînement de la mer et la sexualité naissante des deux adolescents. Et puis, une mère se meurt. Son mari descend son lit au salon et le situe devant la porte de l’entrée pour qu’elle puisse voir l’extérieur. Les arbres. Les villageois viennent chanter avec elle. Pour elle. Cette chanson, Shimauta, est magnifique et aurait pu inspirer l’histoire du film. Ou du moins, l’essence.
Quand la fleur du deigo commence à s’épanouir, les grands vents se lèvent.
Quand la fleur du deigo s’épanouit, l’orage arrive.
Alors, l’orage et la tristesse traversent l’île.
Chanson de l’île, monte sur le vent avec les oiseaux
et parcourt la distance des mères pour apporter ce message.
La réalisatrice nous montre une fois de plus, sa capacité à nous parler d’un sujet sans l’encombrer des lourdeurs, le rendant sauvage et sans prétention. Tout au long du film, nous sommes dans cette île, nous nous baignons dans cette mer interdite. Nous sommes transportés, avec adresse, dans son univers.