Cet acteur, au regard de tombeur et au sourire charmeur, s’en est allé, dans une embarcation, un cigare entre les dents et dans les mains deux coupes de Dom Pérignon, après avoir déposé sur les lèvres d’une mort décharnée, un baisé, un baisé volé, un dernier baisé.
Celui qui avait survécu à Solitaire, Requin et l’homme au pistolet d’or s’est éteint ce mardi 23 mai 2017 des suites d’un cancer. Il aurait eu quatre-vingt-dix ans cette année. Il s’appelait Moore, Roger Moore.
Roger Moore : un acteur à qui le costume allait comme un gant
Après avoir subi un accident de voiture, lors de son service pour la Royal Army, à l’âge de 18 ans, lui, qui a quitté très tôt les études, se destine à une carrière dans le cinéma. Un temps figurant, puis acteur dans des petits rôles à Hollywood, il revient dans son Angleterre natale, la vingtaine passée.
Si le rôle-titre dans la série éponyme Ivanoé (1958-1959) le sort de l’ombre, c’est le rôle du détective Simon Templar dans Le Saint (1962- 1969), où il apparaît comme un beau jeune homme, mi- détective mi- justicier, qui lui apporte une célébrité internationale, et qui préfigure celui de l’agent 007.
Néanmoins, avant d’endosser le costume de l’agent secret, il endosse celui du riche et cultivé aristocrate britannique, Lord Brett Sinclair, dans la série Amicalement Vôtre (1971-1972) où il donne la réplique à l’étasunien Tony Curtis. Une série qui finit de convaincre les producteurs de le prendre dans le rôle-titre de la franchise James Bond, après Sean Connery, notamment, et George Lazemby, lors d’un passage furtif.
Son interprétation unique de l’agent 007
Si le premier acteur a donné corps au personnage de James Bond n’est nul autre que Sir Sean Connery, si Daniel Craig lui a réinjecté de la testostérone et de l’action (en réalisant lui-même les cascades), c’est bien Roger Moore qui a apporté une touche d’humour et d’élégance au plus célèbre des agents secrets !
En effet, dans une interview d’ RTL l’acteur explique que son personnage peu importe où il allait était connu de tous les barmans, « ah James Bond, un Vodka- Martini, au shaker et pas à la cuillère », raison pour laquelle, il l’avait joué avec cet humour pince sans rire. Comment peut-il être un bon agent secret, si tout le monde est capable de le reconnaître ?
Conf : https://www.youtube.com/watch?v=Rsf_iXFbWyg&t=606s
Un hiatus très marqué entre l’ère Sean Connery et autres James Bond et celle de Roger Moore, beaucoup plus décalé … Mooraker comme parfait exemple.
Et pourtant de cette différence, il en tire une force. Puisque si les interprétations de Timothy Dalton et Pierce Brosnan se voulait plus sérieuses, celles-ci semblent moins convaincantes que leurs confrères, y compris celle de Roger Moore.
Roger Moore en jouant dans un registre différent, souhaite, avec la complicité de ses réalisateurs, amené ailleurs la légende construite par Ian Flemming et Sean Connery. Une direction qui étonne ou exaspère mais à qui on arrive jamais à en vouloir.
Quels costumes pour Roger Moore après Dangereusement Vôtre ?
Après son dernier James Bond, Dangereusement Vôtre, en 1985, il continu le cinéma, en occupant presque uniquement des rôles proches du personnage de James Bond – ou un personnage en costume, ou un militaire, ou un policier … De nombreux rôles ne lui seront jamais confiés, car désormais trop reconnaissable.
En 1991, il devient ambassadeur de l’UNICEF pour défendre le droit des enfants. Un combat pour lequel il est récompensé par la Reine Elisabeth II qui l’anoblit en 2003.
Il est également fait commandeur des Art et des Lettres, en 2008, par la Ministre de la culture Christine Albanel.
Suite à la mort de Roger Moore de nombreuses anecdotes refont surface. L’une d’entre elles a retenue l’attention. Elle est signée Mark Haynes, un scénariste londonien et vient corroborer sa réputation de gentil homme et son goût pour l’humour.
J’avais sept ans aux environs de 1983, avant que ne se répandent les salons réservés aux premières classes dans les aéroports, je me trouvais avec mon grand-père dans celui de Nice et j’ai vu Roger Moore, assis à côté de la porte d’embarquement, lisant le journal. J’ai dit à mon grand-père que je venais juste de voir James Bond et lui ai demandé si nous pouvions aller le voir, que j’obtienne un autographe. Mon grand-père n’avait aucune idée de qui étaient James Bond ou Roger Moore, donc nous nous sommes avancés et il m’a approché de Roger Moore, en disant « Mon petit-fils dit que vous êtes célèbre, pouvez-vous signer cela ? »
Aussi charmant qu’on pouvait s’y attendre, Roger me demande mon nom et signe promptement derrière mon billet d’avion, un sympathique message. Je suis extatique, mais alors que nous retournons vers nos sièges, je jette un oeil à la signature. Elle est dure à déchiffrer mais clairement, il n’est pas écrit « James Bond », mon grand père la regarde déchiffre « Roger Moore ». Je n’ai aucune idée de qui il peut bien s’agir, et mon coeur est brisé. J’explique à mon grand-père qu’il a mal signé, qu’il a écrit le nom de quelqu’un d’autre – alors mon grand-père retourne le voir, tenant à la main le billet qu’il vient de signer.
Je me souviens de l’avoir écouté depuis le siège où j’étais resté assis. « Il dit que vous avez signé avec le mauvais nom. Il dit que vous vous appelez James Bond ». La visage de Roger Moore s’est illuminé quand il a compris, après quoi il m’a fait signe d’approcher. Quand je suis arrivé à côté de lui, il s’est penché, a fait mine de regarder à gauche, puis à droite, relevé un sourcil et m’a expliqué d’une voix inquiète « Je suis obligé de signer Roger Moore parce que sinon… Blofeld pourrait savoir que je suis passé par là ». Il m’a fait promettre de ne dire à personne que j’avais vu James Bond, et il m’a remercié de garder le secret. Je suis revenu jusqu’à mon siège, mes nerfs se tordant de délice. Mon grand-père m’a demandé s’il avait finalement signé « James Bond ». Je lui ai répondu que non, j’avais mal compris. C’est que je travaillais avec lui à présent.
Bien des années plus tard, je travaillais comme scénariste sur un projet dans lequel l’UNICEF était impliqué, et Roger Moore faisait une intervention à l’image en tant qu’ambassadeur. Il était adorable et alors que le caméraman était en train de tout installer, j’en ai profité pour lui raconter l’histoire de notre rencontre à l’aéroport de Nice. Il était content de l’entendre, il a rit et dit « Et bien, je ne m’en souviens pas mais je suis content que vous ayez eu l’opportunité de rencontrer James Bond », ce qui était très gentil.
Et puis il a fait quelque chose de brillant. Après le tournage, il est passé devant moi dans le couloir, il allait en direction de sa voiture – mais sur le point de dépasser, il s’est arrêté, à regarder à droite, puis à gauche, a levé un sourcil et m’a dit d’une voix inquiète « Bien sûr je me souviens de notre rencontre à Nice. Mais je n’ai rien dit devant ces caméramans, n’importe lequel d’entre eux pourrait travailler pour Blofeld ».
J’étais aussi bouleversé à 30 ans qu’à 7. Quel homme. Quel homme incroyable.