Critique Brooklyn de John Crowley

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Avant d’être adapté au cinéma, Brooklyn est tout d’abord un roman à succès écrit par Colm Toibin paru en 2009. Il retrace l’histoire d’Eilis Lacey, une jeune irlandaise des années 50, se retrouvant contrainte de quitter sa patrie et tenter sa chance en Amérique, faute de travail chez elle. Eilis va donc laisser derrière elle famille et amis pour se lancer à la conquête de New York et commencer une nouvelle vie de l’autre côté de l’océan. C’est le réalisateur John Crowley qui s’est vu attribuer la dure tâche de retranscrire à l’écran l’émotion initialement contenue dans les pages de Brooklyn.

Une histoire aux aspects autobiographiques.

Le personnage d’Eilis Laacey (interprété par Saoirse Ronan) partage quelques ressemblances notables avec l’auteur. En effet, Colm Toibin est également irlandais et a grandi dans la petite ville d’Enniscorthy (qui est aussi la ville d’origine d’Eilis dans l’histoire) puis s’est lui-même installé à New York. A travers l’histoire d’Eilis, l’auteur a souhaité conter la sienne mais aussi celle de plusieurs personnes de son peuple. Le film nous propose de découvrir une tranche de vie parmi celles de tous les Irlandais ayant migré à cette période en Amérique. Cette histoire partage des points communs tels que le mal du pays,le communautarisme,la recherche d’identification avec celle de tous les Irlandais expatriés. Le fait que l’histoire d’Eilis se rapproche fortement de celle de Colm Toibin, a sans doute contribué à ce que le film soit si poignant et paraisse aussi réaliste. Après avoir couché un peu de sa vie sur un bout de papier à travers le personnage d’Eilis, la transcription au cinéma est à mon avis tout aussi réussie.

Brooklyn

 

 

Le début d’une nouvelle vie.

Dès le début du film, le spectateur comprend qu’en Irlande la situation est sans avenir pour Eilis. Elle occupe un petit emploi dans une épicerie, obéit aux ordres d’une chef exécrable au possible et son voyage pour les Etats-Unis est déjà tout arrangé grâce à un prêtre, le père Flood, que sa famille connaît bien. On la filme très peu dans son village natal : juste le temps d’annoncer à sa famille qu’elle doit partir très prochainement, de faire ses valises et la voilà sur ce grand bateau où tous ces jeunes visages animés de rêves et d’espoir vont quitter tout ce qui leur était cher, pour se lancer à l’aventure de l’autre côté de l’océan. Néanmoins, ce petit aperçu de la vie irlandaise d’Eilis permet au spectateur d’entrevoir la profonde complicité et le réel lien d’affection qui la lie à sa famille, en particulier à sa grande sœur Rose (incarnée par Rosa Glascott).

Lors de l’horrible traversée pour se rendre vers le nouveau continent, on peut clairement s’apercevoir à quel point Eilis est encore une jeune fille fébrile sans réelle force de caractère. Mais une fois qu’elle a passé cette immense porte bleue vers l’Amérique, sa nouvelle vie commence. Ses proches et sa terre natale ne sont plus que des souvenirs vivants à des milliers de kilomètres.
Dès son arrivée en Amérique, elle jouit d’une situation privilégiée en comparaison  de celle de nombreux migrants à l’époque. En effet, sa situation est très confortable puisqu’elle a des papiers en règle et elle est hébergée en compagnie d’autres jeunes filles à Brooklyn chez Mme Kehoe. Elle a un travail et suit même des cours du soir..

C’est là que sa routine américaine débute. Eilis s’enferme dans une morosité sans nom, ce n’est plus qu’une coquille vide écoutant quiconque lui dicte comment gérer sa vie. Elle se perd petit à petit dans l’océan de la nostalgie et du mal du pays.  Les seuls petits bonheurs dans sa vie sont la correspondance qu’elle entretient avec sa sœur Rose, les repas pour le moins animés, et les bals irlandais. A chaque dîner, l’humour est au rendez-vous : entre sous-entendus et débats intéressés échangés par les filles, toutes aussi loufoques les unes que les autres, et catalysés par le personnage charismatique qu’est Mme Kehoe. Ah, les bals irlandais… C’est à cette occasion qu’elle rencontre Tony, un plombier italien installé lui aussi à Brooklyn avec sa famille. Tony va assez vite se révéler être le parfait gentleman, celui qui la fait danser, la fait rire, la fait voyager, la fait rêver. Clairement, c’est Tony qui, au fil des jours, lui fait aimer sa vie américaine en dépit de son ancien mal du pays. Il la transforme en une jeune femme, (non plus une jeune fille mais bien une jeune femme désormais), qui se découvre, s’assume et s’impose.

Brooklyn Tony&Eilis

 

 

Quand le passé rattrape le présent : le dilemme d’Eilis.

C’est au moment où elle s’épanouit pleinement dans sa nouvelle vie puisqu’elle rencontre la réussite à tous les niveaux : sentimental, professionnel, dans ses études, personnellement, …  que l’effroyable nouvelle tombe.. Un drame s’abat sur la famille d’Eilis. Sans hésiter elle rentre en Irlande pour être aux côtés de ses proches dans cette épreuve,malgré les réticences de Tony. Retour sur sa terre natale : elle retrouve sa famille, ses amis, sa maison, et même un travail qu’elle aurait rêvé d’avoir quelques moins auparavant.. Elle revoit son ancienne meilleure amie, bientôt mariée. Avec un ami du couple nommé « Jim Farrell » ,ils sortent ensemble tous les 4, et Eilis se retrouve vite coincée entre ses proches voulant son retour en Irlande, et ce Jim qui lui plaît de plus en plus. Il est exactement le prince charmant dont elle avait rêvé quand elle vivait encore à Enniscorthy et puis.. c’est un enfant du pays…

A présent, la situation s’est inversée : la seule chose qui la retient de l’autre côté de l’océan c’est Tony… Ici, elle a enfin la vie dont elle a toujours rêvé, au milieu des gens qu’elle aime, sur sa propre terre, ses racines. Eilis est désormais noyée dans ce sectarisme irlandais, leur forte préférence pour « vivre entre eux », sur la terre de leurs ancêtres. Tiraillée entre ceux qu’elle aime et celui qu’elle aime…

Et désormais, c’est cette jeune fille devenue femme qui va devoir prendre la première grande décision de sa vie pour se sortir de ce dilemme digne d’une tragédie. Tout en sachant que quel que soit son choix, elle sera forcée d’oublier une de ses 2 patries, un de ses 2 amours. Au croisement de sa vie, elle ne peut s’engouffrer que sur un chemin. Mais cette fois-ci, elle ne laissera personne guider ses pas.

Brooklyn one heart two countries

 

 

En conclusion :

Les acteurs d’Eilis (Saoirse Ronan) et de Tony (Emory Cohen) nous offrent une performance vraiment exceptionnelle. A l’écran, leur romance nous apparaît plus vraie que nature, une véritable passion émane de leurs regards! Saoirse Ronan s’est vraiment emparée du rôle puisqu’elle parvient par sa très belle prestation à nous émouvoir suite à tous les maux et embûches rencontrés par les immigrés de l’époque malgré le fait que ces problèmes soient très éloignés de l’époque actuelle. Le couple d’acteurs principaux est épaulé par d’autres très bons acteurs mais avec un rôle secondaire : Julie Walters pour le personnage de Mme Kehoe, les filles partageant le logement de Mme Kehoe ( Emily Bett Rickards pour Patty,Jessica Paré pour Mlle Fortini, et Eve Macklin pour Diana),… Ces personnages charismatiques donnent une nouvelle dimension au film en lui apportant fraîcheur et humour.

L’histoire de Brooklyn est un scénario sans prétention qui reprend la volonté de l’auteur de conter l’histoire d’un migrant irlandais parmi d’autres pour faire comprendre au public un schéma type de la situation des migrants. Malgré tout, l’histoire d’Eilis se démarque de celle de tous les migrants lambda car c’est une jeune fille évoluant vers la femme qui subit un drame et vit une romance comme il y en a peu.

Chacun sait que l’adaptation d’un livre au cinéma est toujours complexe, mais pourtant cette transcription est très bien réalisée car l’esprit du roman original Brooklyn est présent à l’écran, tant dans les décors,que dans la mentalité des personnages et de la société de l’époque.

Pour en savoir plus sur l’actrice principale, consultez notre article spécial: Focus sur Saoirse Ronan.