Vingt ans après Le Cinquième Élément, son film de science-fiction culte, que nous sommes nombreux à avoir vu et revu grâce à ses répliques connues de tous (Leelo multipass!), Luc Besson revient avec un blockbuster, un show à l’américaine basé sur une bande-dessinée bien française : Valerian et la cité des mille planètes . Un rêve d’enfant pour celui qui s’était déjà inspiré de cette oeuvre. Alors ? A-t-il bien fait de réaliser ce projet colossal, qui est un des films les plus chers du cinéma français ?
Un univers superbe et des thèmes fascinants
Valérian et Laureline sont deux agents très doués au service d’un gouvernement spatial. Un jour, Valérian reçoit une étrange vision qui va le mener vers un sombre et lourd secret semant le trouble dans l’Univers.
L’univers de Valérian et la cité des milles planètes est fidèle à l’oeuvre originale, avec de nombreux plans larges qui laissent entrevoir des décors immenses. Que ce soit une planète, la Cité des Mille Planètes, une grande salle ou une ville, on nous laisse le temps de nous émerveiller avant de rentrer dans l’action. Et dans ces décors fourmillent une multitude de personnages extra-terrestres qui ont tous un design particulier, et qui donnent envie d’en étudier les dessins et les plans, de connaître les spécificités et les histoires de ceux-ci : quelle est l’apparence de cet alien sous son armure ? Comment telle population a-t-elle pu arriver jusqu’ici, compte tenu de ses capacités intellectuelles plus que limitées (vous comprendrez immédiatement de qui je parle quand vous verrez le film) ? Sans parler de toutes les technologies qui sont montrées et que beaucoup d’amateurs de science-fiction aiment à observer, comme les dispositifs qui permettent de voyager entre les dimensions, dispositif très bien exploité dans le film.
En parlant de cela, les thèmes abordés sont ambitieux : le multiculturalisme bien sûr (la scène du début est très émouvante, en plus d’être sur fond de Space Oddity), ainsi que l’écologie et les crimes de guerre. Mais également d’autres plus subtils qui tiennent à l’essence même de la science-fiction, comme celui qui est de loin le plus intéressant, celui du double : le duo nécessaire formé par Valérian et Laureline, l’opposition entre une idéologie et une autre, entre un monde primitif et un sur-évolué, entre deux dimensions à la fois mêlées et distinctes… Ces thèmes récurrents tiennent bien sûr à ce qui est seriné pendant tout le film sans que l’on en voie la trace et qui sera sans doute pour une suite : l’espace et le temps, thèmes très importants dans la bande-dessinée.
Les combats au service de ces thèmes sont très dynamiques et profitent de l’expertise en effets spéciaux de l’équipe de Luc Besson. Tout s’enchaîne à grande vitesse, au point de se demander parfois ce que les héros font ici. Ils sont très bien chorégraphiés, les armes sont parfois étonnantes comme le fusil non létal qui capture les adversaires en les enfermant dans une gangue, ou la ré-exploitation de vieux concepts comme le pistolet « patte d’oie » du XIXe siècle qui peut tirer dans deux directions différentes. Les combats spatiaux sont également très sympathiques, même si nous avons eu l’impression de revoir la course poursuite de Anakin et Zam Wasell dans Star Wars II. Cependant, on ne peut que saluer l’habileté avec laquelle sont enchevêtrés les duels de cow-boys avec les contraintes des technologies présentées, comme le combat au pistolet entre deux dimensions qui était très bien pensé.
Il faut avouer que souvent, on a plus l’impression d’être dans un jeu vidéo que dans un film. Et il ne manque parfois qu’un QTE comme dans God Of War, notamment dans la scène présentée dans les trailers qui montre Valérian traverser plusieurs mondes dans une course poursuite. En fait, on peut voir qu’il y a une multiplicité de thèmes et même une multiplicité de scènes d’action, de mondes. C’est certes dynamique, mais peut être un peu trop et cela en devient confus, ce qui est dommage. Néanmoins, les acteurs ne parlent pas d’amour pendant les scènes d’action, ce qui rattrape avantageusement cela.
Des acteurs décevants
Le pire se trouve sans doute chez les personnages et notamment dans le choix des acteurs. On ne s’attache pas aux personnages principaux, qui s’avèrent souvent insupportables.
Laureline, au caractère bien trempé dans la bande dessinée, ce qui est une qualité et ne supprime pas son respect pour Valérian. Mais ici non ! Laureline est dans Valérian et la Cité des mille planètes, une peste qui devient niaise dans les moments tendres. Ce que l’on ressent, c’est que Valérian est maltraité ! Elle est suffisante, insolente, arrogante et se comporte en adolescente mal lunée ! Mais peut être est-ce dû au jeu de l’actrice (enfin de la mannequin) Cara Delevingne, qui ne cesse de prendre des airs suffisants et dédaigneux. Quant à Valérian, bien que compétent dans son travail, il n’en n’est pas moins un coureur de jupons tout aussi arrogant, ce qui enlève toute sympathie pour ce personnage qui semble aussi être un jeune garçon immature, en dépit de son grade élevé dans l’armée. Ils sont d’autant plus infantilisés que le premier ministre, censé interdire et recadrer, ressemble plus à un père démissionnaire qui laisse tout passer…
Tout ce qui tourne autour de l’amour devient ridicule et attendu, avec une histoire de mariage inutile, des dialogues emplis de lieux communs qui alourdissent le film et coupent l’intensité du rythme. Les thèmes du double, de la mondialisation, de l’écologie, des crimes de guerre, tout cela était largement suffisant ! Pourquoi cette histoire d’amour qui alourdit tout et donne lieu a des plaisanteries insipides ? Et le pire, c’est qu’il s’agit d’un fil conducteur qui doit justifier toute une partie du film, ce qui a un effet catastrophique. Un baiser sur la joue, puis un deuxième, et ensuite on inverse…. Un humour de répétition très lourd qui n’amuse pas nécessairement les spectateurs.
Ce film est donc, en dépit de son budget et de ses très bons arguments (les scènes de combat entre deux missions sont géniales, il faut le rappeler), gâché par ses personnages dont les scènes d’amour mièvres alourdissent le rythme. Ainsi, nous avons affaire à une action qui ressemble plus à un jeu vidéo qu’à un film. Cela contribue malheureusement à en faire un film en demi-teinte.