Critique « Tout simplement noir » de Jean-Pascal Zadi : tout simplement bien

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On ne sait pas trop d’où vient Jean-Pascal Zadi. Scénariste de Black Snake, acteur dans Nicky Larson et réalisateur des méconnus Cramé, African Gangster et Sans pudeur ni morale, il est de retour avec sa nouvelle production : Tout simplement noir. Écrit par ses soins et co-réalisé par John Wax, le film est un faux documentaire qui retrace le mouvement de JP, qui tente de rameuter les célébrités noires françaises à une marche contre les inégalités raciales.

Tout simplement noir est globalement une réussite. JP, accompagné de l’humoriste Fary, va enchaîner les rencontres, plus burlesques et absurdes les unes que les autres. Il croise notamment la route de membres influents du milieu artistique français comme Claudia Tagbo, JoeyStarr, Fabrice Eboué, Ramzy, Jonathan Cohen, Eric Judor ou encore Lucien Jean-Baptiste.

Tout simplement noir : une comédie très intelligente

Tout simplement noir est une comédie intelligente, qui critique, dénonce et commente la situation des noirs en France. Avec humour, sans jugement, Jean-Pascal Zadi vient poser les bonnes questions, sans entrer dans la moralisation inutile. Il vient prendre à contre pied les comédies françaises souvent clichées, dont il se moque régulièrement dans le film. En fait, ce qui est intéressant dans Tous simplement noir, c’est que Jean-Pascal Zadi laisse toujours une place au doute, à l’interprétation, à la compréhension. Le cinéaste ne tombe jamais dans la radicalité. Il ne tombe jamais dans l’opposition, dans le conflit, mais cherche simplement à rappeler que la situation est plus complexe que « les blancs contre les noirs ». Il tente également de simplifier cette situation. Le cinéaste démêle les nœuds relationnels entre les gens. Il rappelle que la frontière est parfois fine entre racisme, humour, communautarisme et cosmopolitisme.

Tout simplement noir est beaucoup plus subtil qu’il n’y paraît. Jean-Pascal Zadi parle du racisme avec véracité, avec crédibilité et surtout avec perspicacité. La vanne sur Fary qui fait une pub pour une grande marque est très parlante. Il se retrouve discrédité parce que cette pub est mal interprétée, considérée comme raciste, car le tee-shirt est affublé d’une banane. L’humoriste récite d’ailleurs une phrase pleine de sens : « c’est parce que cette situation choque encore aujourd’hui qu’il y a encore des problèmes de racisme ». Avec cette approche, Jean-Pascal Zadi veut rappeler que certaines polémiques n’ont pas lieu d’être. Que le véritable problème ne se trouve pas forcément dans l’image mais dans les actions. Que ce genre de scandales sont des épouvantails face aux vrais problèmes.

Critique "Tout simplement noir" de Jean-Pascal Zadi : tout simplement bien

C’est par cette approche qui n’est jamais manichéenne que Tout simplement noir fonctionne à la perfection. À travers des séquences très intelligentes, il rappelle constamment que finalement c’est une histoire d’individu. Que les réactions racistes, que la fraternité, que la réussite dépend en définitive de la personne. Il illustre ça à travers des séquences fortes. Notamment quand il se fait arrêter par la police, et ce, à deux occasions. Lors de la première arrestation, le personnage l’a cherché et la police ne fait que son travail. Jean-Pascal Zadi rappelle que finalement, les policiers font parfois simplement leur job. La seconde, c’est une arrestation illégitime et violente, à travers laquelle il dénonce les violences raciales. Même à travers ce sujet brûlant, Jean-Pascal Zadi rappelle que rien n’est tout blanc ou tout noir.

C’est par ce prisme constamment mesuré que Tout simplement noir pose les bonnes questions. Sans jamais condamner, il dresse la liste des éléments qui ne fonctionnent pas mais également ceux qui marchent dans notre système. Il pose des questions relatives à la réussite professionnelle, familiale, sur le statut des noirs en France, sur la place du racisme, etc… Il rappelle que des noirs peuvent réussir notamment avec l’apparition de Omar Sy, dont il est foncièrement jaloux. Jean-Pascal Zadi rappelle que les minorités peuvent elles aussi être racistes, notamment dans la séquence avec Ramzy. Il se demande ce que stipule le fait d’être noir, qui peut se revendiquer comme tel, etc… Bref, Tout simplement noir est un film très généreux qui aborde de nombreux sujets sociétaux par des angles différents

Un humour parfaitement dosé

Si on devait trouver un défaut à Tout simplement noir, ce serait davantage dans la forme que dans le fond. Le film tourne parfois en rond, répétant indéfiniment le même schéma. Jean-Pascal Zadi enchaîne les rencontres, qui sont abordées de la même manière. Et finalement, le film s’apparente parfois à une succession de sketchs, délaissant finalement la véritable intrigue. Les vannes demeurent également relativement identiques d’une situation à l’autre. Mais à part ce bémol, Tout simplement noir est parfaitement maîtrisé.

Critique "Tout simplement noir" de Jean-Pascal Zadi : tout simplement bien

Quant aux apparitions, elles sont toutes hilarantes. Celle de Mathieu Kassovitz est mémorable, dans la peau d’un réalisateur ambiguë. A la fois raciste mais en même temps porté par la force de son art. Celle de Lucien Jean-Baptiste de Frabrice Eboué qui s’engueulent pour savoir lequel de Case Départ ou de La Première Étoile est le film le moins raciste est également très drôle. Une conversation qui dérape et qui entraîne Lucien Jean-Baptiste dans ses retranchements. Une séquence dans laquelle Jean-Pascal Zadi se joue des clichés et présente Lucien Jean-Baptiste perdant son statut de noir privilégié, de noir « blanchifié », redevenant le martiniquais de ses origines.

Par ce prisme et par l’image que renvoi Fary, Jean-Pascal Zadi veut également aborder la force de la notoriété, la force de l’image, la puissance de l’argent. Une dernière thématique qui, finalement, dirige le monde moderne, que ce soit à travers le racisme ou au contraire la fraternité. Et que l’argent est à la fois le problème et la solution.

Tout simplement noir est donc une réussite. Même si la forme est parfois répétitive, le fond est très intelligent. La comédie parvient à jouer avec les clichés, à se poser les bonnes questions sur l’identité, le communautarisme et le racisme. Le tout sans jugement et avec un humour toujours pertinent.