L’anticipation et la science-fiction sont des sujets particulièrement difficiles à mettre en scène, surtout dans un scénario qui se veut le plus réaliste possible. C’est pourtant le défi que s’est lancé Lennart Ruff avec Titan. Sorti le 30 mars dernier en e-cinéma, Titan est un film tout bonnement surprenant, dans la lignée de Bienvenue à Gattaca. Une pépite qui mérite d’être découverte, au même titre que d’autres oeuvres parue en e-cinéma telle que My Friend Dahmer et The Bachelors. Focus !
Un scénario Darwiniste bien pensé
Le postulat de base de Titan est tout simplement fabuleux ! Afin de coloniser Titan la lune de Saturne, plusieurs scientifiques décident non pas de la rendre vivable pour l’Homme, mais de rendre l’Homme adaptable à cette atmosphère hostile. Ainsi, le film met en scène diverses expériences très violentes pour les protagonistes, qui y résisteront plus ou moins bien. C’est en ça que l’oeuvre laisse transparaître ses thèses darwinistes. Ici, ce ne sont pas les personnes les plus fortes qui survivent aux tests, mais les plus adaptables, celles capables d’accepter les changement inhérents à leur morphologie, malgré la violence des transformations. La théorie de l’évolution est mise au service d’une question simple : n’est-ce pas à nous de nous adapter au monde qui nous entoure plutôt que l’inverse ? Cette question est aussi bien valable pour la Terre que pour une planète que nous voudrions éventuellement coloniser. Outre la sélection naturelle qui est habillement mise en scène, un propos intéressant est abordé : celui de l’évolution forcée. Le film rappelle qu’une avancée scientifique majeure est souvent synonyme d’immoralité et de tests absolument abominables. Il nous oblige donc à méditer sur ces avancées scientifiques, fabuleuses au premier abord.
Une mise en scène au top flirtant avec divers genres
L’atmosphère de Titan rappelle indéniablement celle du cultissime Bienvenue à Gattaca. Tout dans l’imagerie fait écho à cette oeuvre majeure du cinéma d’anticipation. L’ambiance sobre et bleutée, les décors épurés, la symbolique et l’omniprésence de l’eau… Mais aussi et surtout : Titan ! En effet, c’est sur cette lune que doit partir Vincent Freeman aka Jérôme Morrow dans le film d’Andrew Niccol. Le parallèle est donc aussi évident qu’appréciable. Mais bien que ces échos soient facilement discernables, Titan n’en n’en oublie pas de trouver son identité. Le contexte du film est posé de manière convenue mais efficace, ce qui lui permet de passer immédiatement au développement des personnages et des expériences scientifiques plus ou moins fructueuses. L’oeuvre passe également d’une scène à l’autre avec une fluidité qui force le respect, grâce à des transition d’images sobres et originales.
Au-delà de la dimension science-fiction, le film se permet quelques fulgurances dans le registre du thriller, s’approchant même parfois de l’horreur. Cela permet à l’histoire d’acquérir une autre dimension que celle du simple film d’anticipation. On retrouvera également un rapport au corps assez fascinant, s’intéressant l’évolution progressive mais également à la fragilité du corps en transformation. On notera d’ailleurs une autre similitude avec Bienvenue à Gattaca dans le rapport à la peau qu’on arrache. D’ailleurs, peut-être aurait-il été bon de pousser encore plus loin ce rapport du film à la matière organique. On aurait ainsi pu se rapprocher du style de David Cronenberg en ce qui concerne la fascination morbide pour le corps et ses transformations, tout en gardant le côté très épuré de l’oeuvre.
Un traitement des personnages en demi-teinte
Les personnages de Titan sont tous intéressants à leur manière et évoluent dans un contexte qui l’est encore plus. Cependant, le traitement manque légèrement de profondeur pour ce qui est des personnages secondaires, laissant un arrière goût d’inachevé concernant la construction psychologique de beaucoup de monde. Cela est dû à trois choses :
- Rick, le personnage principal (interprété par Sam Worthington) monopolise une bonne partie de l’histoire. C’est sur son évolution que nous nous axons le plus, ainsi que sur sa capacité d’adaptation hors du commun.
- Il y a beaucoup de personnages secondaires, notamment concernant les recrues sélectionnées pour la modification génétique. En soit il est bon d’avoir beaucoup de personnages dans ce genre d’histoire, car cela renforce la dimension de travail d’équipe et de progression collective. Mais hors-mis le personnage de Taily (Nathalie Emmanuel), peu de personnages secondaires sont développés. Même la femme de Rick est sous-exploitée, là où ses connaissances en médecine et ses rapports avec son mari auraient pu être largement plus développés.
- Le film est un peu trop court pour laisser un véritable développement psychologique s’épanouir (1h37). Une vingtaine de minutes supplémentaires aurait pu être bénéfique à l’attachement que nous avons pour les personnages, sans paraître de trop dans cette histoire ô combien fascinante.
Mettant habillement en scène un sujet aux proportions colossales, Lennart Ruff nous offre une oeuvre de science-fiction très solide et tout bonnement jubilatoire à découvrir. Reste à savoir si le e-cinéma offrira à ce film la visibilité qu’il mérite, car Titan est une oeuvre de science-fiction comme on aimerait en voir plus souvent dans les salles obscures !