Le film Rouge de Farid Bentoumi, qui sort le 27 janvier 2021, possède le label de sélection du Festival de Cannes 2020.
L’histoire nous plonge au cœur d’une usine chimique dans laquelle Slimane (Sami Bouajila), délégué syndical et pivot de l’entreprise travaille depuis 29 ans. Il fait embaucher sa fille Nour (Zita Hanrot) comme infirmière de l’entreprise. Très vite, elle va découvrir les secrets que cache la direction sous prétexte de préserver les emplois. Mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués et accidents du travail passés sous silence. Aidée d’une journaliste indépendante (Céline Sallette), elle va essayer de faire évoluer les mentalités. Mais à quel prix ?
Un thriller made in France
Ce deuxième film de Farid Bentoumi est une agréable réussite qui happe le spectateur dès les premières minutes pour ne plus le lâcher. Il parvient à nous immerger dans le quotidien de son héroïne, Nour. Elle découvre les manquements sévères de l’usine qui l’emploie. Cette situation prend aujourd’hui un écho particulier, quand on sait la place de plus en plus grandissante de l’écologie dans le débat public. Le film est construit comme un thriller. Restant totalement neutre, Farid Bentoumi a fait le choix de ne prendre le parti d’aucune cause. Au travers de cette résolution, il suggère une question simple : comment lutter contre les mensonges des industries polluantes ?
Une mise en scène écologiste
Le décor de l’usine choisie pour le film est volontairement grimé de boue rouge pour lui donner un aspect vieillit et effrayant. Elle est plantée au cœur d’une nature qu’elle ne cesse de défigurer en toute impunité. Sur certains plans larges, nous avons l’impression d’être transporté dans un documentaire sur l’industrie lourde en Chine tant la ressemblance est frappante. Notons que le travail sur le son est aussi remarquable puisque l’agression n’est pas seulement visuelle. Elle est aussi sonore avec en fond le bruit de l’usine toujours plus agressive.
Rouge est d’ailleurs inspiré de l’affaire des rejets de boue rouge en méditerrané déversés par l’usine d’alumine Alteo de Gardanne. Elle fut très bien documentée par Anne Sylvain pour France info. Les cinéastes commencent à se pencher de plus en plus sur les scandales écologiques qui détruisent des vies. Souvenons-nous en début d’année du film américain de Todd Haynes, Dark Waters.
Rouge : Une vision générationnelle
La relation père-fille est ici montrée sous un angle peu traité au cinéma. Le personnage de Slimane travaille pour vivre et subvenir au bien-être de sa famille. A ce titre il choisit parfois de fermer les yeux pour conserver son emploi. À l’inverse Nour, travaille par conviction, elle est immédiatement interpellée par les infractions de l’usine. Ce choix de relation est avant tout une opposition générationnelle ou s’entrechoque deux visions de la société et du milieu professionnel. Le film nous donne à voir une relève des jeunes générations parfois idéalistes qui veulent remodeler le monde. Farid Bentouni réussit magnifiquement à mettre en lumière les contradictions d’un monde focalisé par la croissance et le profit qu’il en oublie la vie. On s’identifie très vite au personnage de Nour. Et une question nous préoccupe : Que ferions-nous à sa place ?
Rouge démontre à merveille toute l’utilité du cinéma dans notre société contemporaine. Sa fonction n’est pas seulement de nous divertir, elle est aussi de nous ouvrir les yeux sur des sujets passés sous un silence assourdissant.