Critique « Plaire, aimer et courir vite » de Christophe Honoré : une course à l’amour saisissante

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Présenté en compétition officielle du Festival de Cannes, Plaire, aimer et courir vite suit l’histoire et la course de Jacques, un écrivain homosexuel atteint du sida, qui rencontre Arthur et ne peut s’empêcher de rêver alors à une autre vie. Touchante comédie et belle tragédie, le film frôle nos sentiments, sans jamais tomber dans le pathos. Un film personnel très réussi. 

Les trois personnages de Plaire, aimer et courir vite résonnent comme les trois verbes qui forment ce titre. Plaire, pour Mathieu (Denis Podalydès), le voisin et ami de Jacques qui n’ose pas ébaucher une relation par peur et par manque de confiance en soi. Mathieu se contente de plaire, et d’être charmé par les hommes qu’il rencontre, sans risquer d’aller plus loin. Aimer, pour Arthur (Vincent Lacoste), qui dans l’insouciance de la jeunesse, tombe pour la première fois amoureux d’un homme. Il rêve alors de sa vie avec lui, niant jusqu’à sa maladie, n’acceptant pas cette réalité meurtrière. Et enfin courir vite, pour Jacques (Pierre Deladonchamps), qui s’empêche de vivre heureux et fuit face à toute perspective d’être aimé, tout en courant irrémédiablement après.

Critique "Plaire, aimer et courir vite" de Christophe Honoré : une course à l'amour saisissante

Ce personnage, volontairement antipathique et involontairement attachant, fait toute la force de Plaire, aimer et courir vite. Peut-être grâce à ce caractère très bien travaillé et qui semble si personnel pour son auteur ; sûrement grâce à la poignante performance de Pierre Deladonchamps qui parvient à trouver ce juste équilibre et à faire ressentir tout le doute dont Jacques est empli, et en même temps toute sa détermination. Jacques fait des tours et des demi-tours, et établit une distance avec le vouvoiement qu’il abroge sensuellement. Les plans uniques de personnages se transforment ainsi en magnifiques scènes de rapprochements impossibles, et on pensera particulièrement aux très beaux moments dans le bain de Jacques, ou dans la chambre d’Arthur, téléphone à la main. 

Comme son générique hyperactif, le film nous embarque dans cette course contre la maladie ; tout en douceur certes, mais avec ces moments tragiques qui sont comme autant de rappels que l’issue de cette histoire ne sera pas celle rêvée et espérée. Ici, le temps n’est pas au combat comme il pouvait l’être dans 120 battements par minute. Ici, on prend le temps qu’il faut, même si on ne l’a pas. On s’attarde sur la légèreté, alors même que la réalité attend en bas de l’immeuble. On tente de se cacher de la maladie tant qu’on peut, tant que les autres ne sont pas là pour nous la rappeler. Ici, le temps est même à l’espoir, à la vie qu’Arthur a devant lui, comme un chantier parisien pris en photo dans les années 80. Le temps est à la littérature ; on s’attarde sur les mots choisis, on y prête attention. Le temps est sacré, comme une valse qui doit un jour s’arrêter. 

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Cette histoire est portée par une beauté bleutée qui se retrouve partout, aussi bien dans les chambres d’hôpital que dans les chambres d’amour (les deux se mélangeant bien volontiers), aussi bien dans les ciels bleus emplis d’espoir que dans les boîtes de médicaments. Ce filtre bleu qui suit Jacques partout depuis la rencontre avec Arthur dans le cinéma et jusqu’à sa dernière apparition derrière ces portes mécaniques, est synonyme à la fois de bonheur et de mélancolie ; il se transforme au gré des humeurs de son personnage. On pourrait cependant reprocher à la photographie de manquer d’audace parfois, oscillant souvent entre sobriété, légèreté et gravité, sans prendre de risque comme le héros peut en prendre. Mais on lui pardonnera bien volontiers, comme on pardonne au scénario quelques longueurs, synonymes des hésitations de Jacques.

Plaire, aimer et courir vite, par son traitement archi-personnel de la maladie et son interprétation remarquable, parvient à nous faire dépasser les lieux communs d’un tel sujet, et à se concentrer sur l’humain et toutes ses contradictions. Christophe Honoré signe un film poignant, à voir sans plus attendre.

Bande annonce Plaire, aimer et courir vite :