Présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes 2016 et aux festivals de Toronto et San Sebastián, Neruda est le sixième long-métrage de Pablo Larraín. On y retrouve Luis Gnecco et Gael García Bernal, qui signent leur deuxième collaboration avec le réalisateur, quatre ans après le très réussi No. Les deux acteurs incarnent respectivement Pablo Neruda, célèbre poète communiste, et Oscar Peluchonneau, l’inspecteur chargé de sa traque, dans ce biopic qui n’en est pas vraiment un, à la frontière de plusieurs genres.
Neruda: Entre art et politique
En 1948, le Chili se trouve mêlé à la Guerre Froide. Le sénateur et poète Pablo Neruda, d’idéologie communiste, critique ouvertement le gouvernement. Le président Videla ordonne alors sa destitution et son arrestation. Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, sont contraints de fuir et de se cacher.
À en lire le résumé, Neruda est un film politique. Mais pas que. Son histoire est autant basée sur le conflit diplomatique que sur la poursuite du poète par l’inspecteur de police, ce qui en fait aussi un film policier. En effet, Pablo Neruda s’amuse de la filature de l’inspecteur et dissémine des indices à l’attention de celui-ci. Une nouvelle approche de ce genre de sujet nous est proposée : c’est un récit romanesque, à mi-chemin entre art et politique.
Pablo Larraín donne à son œuvre un ton décalé et burlesque. Il utilise la légèreté pour parler de sujets graves, s’appuyant sur un humour fin porté avant tout par la subtilité du jeu des acteurs. La mise en scène est maîtrisée de bout en bout : déconstruite sur le fond et parfaitement orchestrée sur la forme, précise et implacable. Une magnifique lumière vient sublimer des plans impeccablement structurés. Certains sont modernes, d’autres rappellent les années 50, ce qui donne un joli mélange artistique et technique.
L’ambivalence politique et artistique du film se retrouve également dans le personnage même de Neruda : il est à la fois poète et ancien sénateur, artiste et politique. Ces deux facettes de sa personnalité s’entrecroisent. L’art est peu à peu utilisé comme vecteur d’idées, au service du politique.
Des textes et personnages complémentaires
Le film est d’autre part centré sur la parole. On en prend plein les oreilles, entre poésie et dialogues pleins de piquant. La parole se fait échappatoire, œuvre d’art et porteuse de messages, mais aussi support de drôlerie. La voix off de l’inspecteur Peluchonneau, qui nous accompagne tout au long de l’histoire, est d’un comique délicat et efficace. Le très bon jeu des deux acteurs principaux sublime ces répliques tantôt cinglantes, tantôt lyriques.
Que serait en effet le texte sans ceux qui l’interprètent ? Le réalisateur aime ses personnages et porte un regard bienveillant sur eux, malgré leurs nombreux défauts et vices. Il n’y a pas de héros. Dans ce jeu du chat et de la souris, les deux protagonistes se permettent mutuellement d’exister. Ils ont besoin l’un de l’autre. Neruda fait exister l’inspecteur, et l’inspecteur permet à Neruda de gagner en popularité auprès du peuple et donne un coup de projecteur sur ses propos. Les idéaux du poète communiste étant ceux d’un homme recherché, ces derniers gagnent en consistance et visibilité. L’un comme l’autre se nourrissent de cette course-poursuite et en sortent grandis.
Neruda est un film qui mélange les genres, produisant un cocktail détonnant mixant road-movie, biopic, film politique et policier, le tout plein d’humour et de burlesque. Le texte y occupe un rôle de premier plan, porté par deux très bons interprètes qui donnent vie à des personnages hauts en couleurs.
Sortie le 4 janvier 2017.
http://www.youtube.com/watch?v=rcYujth3rZU