Doit-on encore présenter Gaspar Noé ? Maître des expériences cinématographiques totales, l’homme détonne au sein du milieu du cinéma français. Après nous avoir offert un véritable trip horrifique il y a deux ans avec Climax, celui-ci revient pour nous présenter Lux Aeterna, un moyen-métrage tourné en un temps record (5 jours, avec le soutien de la Maison Yves Saint-Laurent). Le nouvel opus Gasparien se révèle de nouveau être une réussite. Focus.
Lux Aeterna : la rencontre entre deux icônes du cinéma français
Béatrice Dalle tourne son premier long-métrage, avec Charlotte Gainsbourg dans le rôle d’une sorcière qui se fait bruler sur un bûcher. Dans la vraie vie, ce projet serait des plus alléchants pour n’importe quel cinéphile. Ici, Gaspar Noé s’attarde pendant 52 minutes sur l’élaboration cauchemardesque d’une des séquences les plus importantes du métrage.
Lux Aeterna s’ouvre sur des extraits du film de l’illustre maître danois Carl Theodor Dreyer : Pages arrachés du livre de Satan. Puis, il s’attarde sur une longue conversation improvisée entre Gainsbourg et Dalle. Les citations cinéphiles sont présentes partout dans Aeterna. Que ce soit des cartons citant Dreyer, Godard, Buñuel, ou la présence de la musique de Barry Lyndon, Noé affiche le cinéma qu’il aime. Il le confronte à la souffrance nécessaire pour pouvoir accoucher à une œuvre, notamment cinématographique.
Un tournage cauchemardesque
Comme expliqué auparavant, Lux Aeterna raconte un tournage de film. Tourner un film c’est réussir à survivre au chaos qui gronde. Chez Noé, le chaos explose de toute part. La réalisatrice débutante se retrouve dépassée par la situation : équipe médisante, producteur paniqué à l’idée de perdre tout son argent, chef opérateur qui prend le pouvoir sur le plateau, acteurs perdus, star qui perd patience, parasite venu de l’extérieur troublant la sérénité du tournage… Gaspar Noé a réuni tous les éléments qui peuvent provoquer la destruction d’un projet. Tous les ingrédients pour provoquer un tournage cauchemardesque. Car, oui, tourner un film c’est dur. Et c’est ce que semble nous dévoiler Gaspar Noé, dans un film qui sera certainement vu dans toutes les écoles de cinéma.
Du pur Gaspar Noé
Pour nous livrer ce cauchemar sur DCP, Gaspar Noé rappelle deux des figures de ces deux derniers longs-métrage. Karl Glusman (Love) en jeune cinéaste s’apprêtant à faire son premier long-métrage et cherchant à recruter la star du film. Ou encore, Claude-Emmanuelle Gajan Maull (Climax) en maquilleuse. Deux personnages qui gravitent autour de nos deux actrices principales : Béatrice Dalle, brillante en cinéaste qui perd le contrôle, et Charlotte Gainsbourg, tout aussi juste. La rencontre entre Béatrice Dalle et Gaspar Noé est une évidence. On peut se demander par quel miracle elle ne s’est jamais produite auparavant. S’adaptant parfaitement au cinéma de Noé, on prie pour voir d’autres collaborations entre les eux à l’avenir.
En 52 minutes, Gaspar Noé réussit à résumer tout ce qui peut être horrible dans un tournage de film. Multipliant les longs travellings, caméra subjective et split-screen, Noé réussit à traduire l’oppression qu’un.e jeune cinéaste peut ressentir sur un plateau de tournage. Avant d’arriver à l’apothéose avec une séquence épileptique et kaléidoscopique à déconseiller pour tous les spectateurs potentiellement épileptiques. Une fin qui n’est pas forcément agréable à regarder, mais saisissante par sa beauté formelle. Permettant, finalement de comprendre ou Noé voulait en venir : la beauté ne peut se créer sans souffrance.
Vu au festival Renc’art organisé au cinéma Méliés à Montreuil.
Bande-annonce Lux Aeterna