Les adaptations de bandes-dessinées françaises au cinéma n’ont pas la vie facile… Les critiques de la presse sont divisées voire assez mauvaises et les critiques des spectateurs sont assassines, en particulier de la part des fans absolus des sagas. Alors, quand on parle d’adapter la BD Les vieux fourneaux, les esprits s’échauffent et les inquiétudes montent… Verdict : encore une fois, il faudra attendre pour (re)voir une adaptation de grande qualité.
Le respect de l’oeuvre d’origine
Il est essentiel de mettre le doigt sur un point : cette adaptation des Vieux Fourneaux n’est pas mauvaise. Une adaptation de mauvaise qualité se définit par un non-respect de l’oeuvre originale qui peut se caractériser par des personnages trop différents de l’oeuvre de base (Boulard dans Les Profs par exemple, joué par Kev Adams et très peu convaincant) ou encore un scénario qui passe totalement à côté de l’oeuvre originale (exemple du Petit Spirou qui perdait totalement l’esprit de la bande-dessinée). Bref, il existe un grand nombre de raisons de ne pas apprécier une adaptation filmique et le non-respect de l’oeuvre de base en est une bonne. Il n’y a rien de plus décevant que de voir une oeuvre appréciée qui est bafouée par un réalisateur maladroit et un scénariste qui ne semble même pas avoir lu l’oeuvre en question. Mais pour Les Vieux Fourneaux, l’adaptation est plutôt (voire très) fidèle à l’histoire du tome 1.
Pierrot, Mimile et Antoine sont amis depuis toujours. Lorsque la femme de ce dernier meurt, les trois compères se remémorent de vieux souvenirs et en profitent pour se revoir après que leurs chemins se soient séparés. Mais, Antoine retrouve une lettre de sa défunte femme dans ses vieux cartons. Elle lui demande de la pardonner après qu’elle ait eu une aventure avec son patron de l’époque. Fou de rage, Antoine part à sa recherche pour le tuer 50 ans après les faits. Il sera suivi de près par Pierrot, Mimile mais aussi Sophie la petite fille d’Antoine qui essayera tant bien que mal à comprendre l’histoire de sa famille. Les Vieux Fourneaux, c’est l’histoire d’une chasse aux souvenirs mais surtout d’une chasse à la réalité pour le personnage de Sophie, qui va comprendre que les 3 compères sont aussi d’anciens sales gosses.
Le scénario est donc le même ou presque que celui du premier tome de la BD éponyme ! Tout est parfait à ce niveau-ci, voire trop parfait, si bien que l’on retrouve des dialogues recopiés au mot près dans le film. Le respect de l’oeuvre est bien là mais ne faut-il ne pas trop exagérer ? Une bande-dessinée et un film sont deux supports bien différents et il est impossible de faire le même travail (sur les dialogues notamment) et cela se sent dans l’ambiance du film. Alors que la BD a un aspect très satirique et très « humour noir », le film n’est pas vraiment à la hauteur et propose une ambiance plus décomplexée, qui colle davantage au grand écran. Mais ce qui est certain, c’est que la bande-dessinée est très bien respectée et que les fans retrouveront les meilleurs aspects de l’oeuvre de Wilfried Lupano et Paul Cauuet.
Oeuvre respectée mais film plutôt raté
Si les fans seront heureux de revoir les 3 papys sur grand écran, les cinéphiles et autres attentifs du moindre détail le seront beaucoup moins. Il n’y a absolument rien à dire concernant la performance des acteurs principaux qui sont tous très bons dans leurs rôles respectifs (mention très spéciale à Pierre Richard qui joue un ancien syndicaliste absolument hilarant) bien que l’on puisse se demander ce qu’Eddy Mitchell fasse là. Il n’est pas mauvais dans son rôle mais on le sent ailleurs. Peut-être est-ce son personnage ou simplement qu’il n’est pas intéressé, nous ne le saurons probablement jamais. Il faut aussi parler d’Alice Pol (déjà vue dans d’autres comédies comme Supercondriaque ou Raid Dingue…) qui sait jouer avec ses émotions et ainsi proposer un personnage aussi convaincant qu’attachant.
Si le problème ne vient pas des acteurs, il vient ici de la réalisation. Une réalisation qui a des idées par moment mais qui a du mal à décoller. Des plans basiques qui ne sont pas vraiment travaillés et qui ne donnent aucun sens à l’image. Et quel dommage ! On a à l’écran des monstres du cinéma français et les plans restent basiques. Champ, contre-champ… Rien qui ne sorte de l’ordinaire et qui puisse nous intriguer. Les paysages utilisés sont cependant splendides (que ce soit dans les champs d’Occitanie ou en Italie) mais n’apportent que peu d’éléments au récit. De plus, il est important de noter les trop nombreuses erreurs qui font sortir le spectateur du film. Un décor numérique de faible qualité, une incohérence flagrante concernant des tenues qui devraient être trempées ou encore un appel à l’iPhone raté… Trop de détails perturbent le bon déroulement du film. Et encore une fois, c’est décevant car les gags s’enchainent, on rigole bien, les acteurs sont plutôt bons mais par moment, le spectateur est sorti de son contexte par ces petites erreurs…
Est-il encore possible de rater un appel téléphonique factice avec un iPhone en 2018 ? Et bien Les Vieux Fourneaux vous répondra « bien évidemment » avec un iPhone qui affiche l’écran d’accueil pendant l’appel… Ce ne sont au final que de petits détails et une réalisation médiocre qui rendent cette adaptation moyenne. Il est incontestable que le film respecte l’oeuvre de base mais cela ne suffit pas. Il faut aussi trouver des idées de mise en scène.
Mais il ne faut pas tout jeter ! Le film sait faire rire et se permet même parfois de très bonnes remarques conservées de la bande-dessinée comme sur le monde laissé par nos aînés ou encore sur la lutte des classes. Ce sont certes des messages qui prêtent à faire rire mais qui restent dans l’esprit et feront sûrement réfléchir les plus anciens spectateurs sur le monde qu’ils laissent, sur la vie qu’ils ont vécue et certainement sur les erreurs qu’ils ont pu commettre par le passé.
Les vieux fourneaux n’est donc pas un mauvais film loin de là. Il n’est pas un affront comme certaines autres adaptations de BD et donne d’ailleurs très envie de lire l’oeuvre de base. Mais comme vous pourrez peut-être le remarquer en vous retournant dans la salle de cinéma, il est destiné aux personnages âgées qui cherchent un film simple et sans réelle prise de tête. C’est une comédie amusante mais qui hélas s’arrête là et qui n’a pas de véritable identité. Si vous souhaitez une bonne comédie actuellement en salle, nous vous conseillons Le Monde est à Toi qui reste la perle de l’été. Ainsi, c’est une (légère) déception supplémentaire pour les adaptations de BD francophones…