Critique « L’ennemi de la classe » de Rock Bicek : une classe, un professeur, un drame

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« La mort d’un homme, est d’avantage l’affaire des survivants que la sienne » Thomas Mann.

Pour son premier long-métrage sorti en 2015, le réalisateur slovaque, Rock Bicek a décidé de raconter un évènement qui s’est produit dans son lycée. 

Un nouveau professeur d’Allemand arrive dans une classe. Très différent de la professeure précédente, plus froid et plus austère, il se met rapidement les élèves à dos. La tension monte quand une jeune fille de la classe, Sabina, se suicide sans laisser d’explication. Les élèves sont persuadés que leur professeur est responsable. Très vite, l’établissement est dépassé par l’ampleur que prend cette révolte. 

Le film se déroule en huit clos dans un lycée. Etablissement dans lequel évolue des élèves et des professeurs : des hiérarchies opposés. Tous les extérieurs sont d’un blanc surexposé. On est enfermé dans le lycée sans aucune vue sur l’extérieure. Dans une ambiance grise/bleue, froide, les élèves et les professeurs ne sont pas souvent mis dans le même cadre. C’est toujours très serré d’un côté ou de l’autre, d’un clan à l’autre. Et ça marche ! On ressent la tension et l’opposition dès le début. Pas de mélange possible, pas d’entente possible, c’est un dialogue de sourd. 

Pendant tout le film, le spectateur change de camps, d’un coup du côté des élèves, d’un coup du côté des professeur, du professeur. Le film offre un rythme intéressant et très bien dosé. Les questions de politique, de deuil, de rébellion, de jeunesse sont les piliers de l’histoire. 

De la tristesse à la haine, la vengeance des élèves est de plus en plus violente. Au début, ils se contentent seulement d’allumer une rangée de bougies dans le couloir, puis la tension monte, avec une émission de radio qui accuse le professeur d’avoir poussé la jeune fille au suicide et d’être un nazi : le but est l’humiliation. Et enfin, les masques à l’effigie de la jeune fille que les élèves portent en classe.

On finit par reconnaître deux catégories d’élèves, ceux qui connaissait et aimaient Sabina et ceux qui cherchaient un prétexte pour se venger de toute la pression qu’on leur fait subir dans le lycée. 

Tout ça pour faire changer le système. En fait, ce que ces jeunes attendaient c’était l’étincelle qui allait déclencher leur colère. Ils ne se battent plus pour rendre justice à leur camarade, mais pour faire payer tout le système scolaire et prouver son dysfonctionnement.  

Finalement, c’est Mojca, la meilleur amie de Sabina qui finit par expliquer dans une très belle dissertation rendant hommage à son amie, que lors d’un suicide il n’y a pas forcément de responsable. Rien n’est tout blanc ou tout noir. 

La Slovénie fait partie des pays occupés par les allemands pendant la seconde guerre mondiale. A de nombreux moments les élèves les plus radicaux, insultent leur professeur d’Allemand de nazi, sans vraiment connaître la définition de ce mot et sa gravité. Encore aujourd’hui, ce genre de propos dans les écoles est monnaie courante. Au même titre que La vague de Dennis Gansel, le film devrait être montré dans les lycées, c’est un film d’éducation. 

Rock Bicek s’est entouré d’acteurs très justes, autant chez les élèves que chez les professeurs. Il nous raconte une histoire haute en tension et en émotion. Peu connu en France, néanmoins récompensé au Festival Premiers Plans d’Angers, il mérite d’être vu à plus grande échelle. 

Bande annonce L’ennemi de la classe :