Critique « Je ne suis pas un homme facile » (Netflix) : frais, moderne et plus que jamais d’actualité

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Rares sont les films originaux Netflix français et pourtant, ils ne déméritent pas. En tout cas, Je ne suis pas un homme facile, bien qu’arrivé récemment, fait sensation aussi bien sur l’aspect cinématographique que sur l’aspect moral. Moderne et engagé, ce film s’inscrit dans l’ère du temps et remet en cause les failles de nos sociétés.

Une synergie envoûtante

La force de ce film ne réside pas dans un élément mais dans l’harmonie de toutes ses composantes cinématographiques. Le scénario, la distribution et toute l’équipe du film forment des rouages qui s’imbriquent à la perfection pour donner un long-métrage agréable.

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Si cette dynamique fonctionne si bien, c’est parce que l’on retrouve de nombreux membres de l’équipe du court-métrage Majorité opprimée, lui aussi écrit et réalisé par Éléonore Pourriat en 2010. Ce court-métrage de 10 minutes jouait sur l’inversion des rôles pour dénoncer l’oppression que subissent les femmes dans la société. Succès à retardement, c’est en 2014 que Majorité opprimée a vu sa visibilité décupler avec près de 9 millions de vues en un mois grâce aux réseaux sociaux.

Dans ce film, la qualité d’interprétation de l’ensemble des acteurs est assez bluffante de sincérité : la fioriture n’a pas sa place, le naturel est à l’état brute. Et ça, on adore. On connait le cinéma comme moyen d’évasion, de libre cours à l’imagination, mais on se plaît le découvrir comme miroir d’une réalité… Pas si lointaine.

Le réalisme du film réside dans la justesse des décors, des costumes et des procédés filmiques. Le tout coïncide à la perfection et la gestion des détails pèse dans la balance : l’inversion est totale, du panneau routier au jeu de carte. Chapeau pour avoir pensé à tout, parce-que les clins d’œil sont nombreux. Parfois sans même que l’on n’y prête attention. Nos sociétés sont pondérées par le genre au quotidien. L’équipe a mis le doigt sur ce point et se joue de nous, en nous troublant parfois.

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L’incarnation d’un féminisme moderne

Éléonore Pourriat ne s’en cache pas, elle cherche à marquer les esprits. Engagée dans la lutte féministe, la réalisatrice joue sur l’inversion des rôles pour frapper avec un gant de velours. La subtilité de l’art comme meilleure arme face à une société encore inégale malgré l’évolution des mentalités. Mais dans ce film, elle veut avant tout faire rire. Comme on peut le voir, elle reprend l’inversion des genres de son court-métrage pour le pousser à son paroxysme et n’hésite pas à flirter avec le grotesque, sans doute pour dénoncer avec ironie le non-fondé de certains comportements. Elle est la première à l’affirmer : en mettant les femmes en position de force, elle ne propose pas un monde utopique mais bien une dystopie. Elle revendique l’égalité des sexes et rejette toute accusation de racisme ou de sexisme : son œuvre, c’est de la fiction, un point c’est tout.

On y retrouve un Vincent Elbaz plus tchatcheur que jamais, désarmé dans ce monde parallèle au sein duquel son alter égo féminin est son propre bourreau. Incarné par Marie-Sophie Ferdane qui joue son rôle à la perfection, la relation qu’entretiennent les deux amants va évoluer en même temps que l’état d’esprit du Dom Juan, jusqu’à lui apporter les réponses sur les rapports homme/femme de sa réalité. Un hymne au féminisme « masculiste », mais aussi à la beauté des femmes.

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Quelques fausses notes ici ou là

Force est de constater que malgré la séduisante justesse du film, on y trouve quelques éléments moins soignés. On pense à l’élément déclencheur du film, qui va faire basculer le personnage de Damien dans ce monde parallèle. Le spectateur s’attend à un élément crédible et bien que la mise en scène donne le sourire, la faiblesse du choc est décevante. On note aussi quelques incohérences par-ci par-là, des éléments amusants mais pas suffisamment pertinents pour avoir leur place. Un dressing plein de robes sorti de nulle part alors que les hommes ne portent pas de robes dans ce monde, pour illustrer sans spoiler. Des détails de l’inversion, qui, bien que très bien réalisée, contient quelques failles.

Et pour pinailler, on peut aussi défendre la communauté masculine : dans le film, toutes les femmes sont mises dans le même lot et donc tous les hommes si l’on suit l’inversion des genres. Pour résumer : tous les hommes sont des machos. Et ça, que l’on soit féministe ou non, on ne peut pas valider. Mais bon, on n’oublie pas que ce n’est une fiction comme l’a affirmé la réalisatrice, alors cessons d’ergoter.

Si on s’est permis de vous mettre les points faibles à la fin, c’est évidemment car ils sont bien moins nombreux et importants que les forces de ce film. On vous l’a dit et on vous le répète, Je ne suis pas un homme facile est frais et moderne et on se laisse volontiers embarquer dans ce monde féministe à la fois percutant et troublant.

Bande-annonce Je ne suis pas un homme facile