Bien que Denzel Washington nous ait habitué à interpréter des rôles d’envergure ces dernières années, il parvient encore avec Fences à éblouir par ses prouesses d’acteur. Egalement derrière la caméra, Washington nous présente un film à l’ambition non dissimulée où se côtoient des interprétations magistrales et une histoire assez impactante. Retour sur ce film atypique en lice dans diverses catégories des Oscars.
Troy Maxson est un éboueur dans le Pittsburgh des années 1950. Ancien joueur de Baseball talentueux de la Negro League, il a abandonné son rêve afin de subvenir aux besoins de sa famille. Ainsi, il vit une petite vie rangée avec sa femme Rose, son fils Cory et son frère handicapé mental. Mais au cœur de cette vie en apparence paisible, de très violentes querelles intestines ont régulièrement lieu…
Les acteurs : piliers centraux du film :
Toute la force de ce film tient indéniablement dans la performance extraordinaire de chacun de ses interprètes. Denzel Washington, qui interprète le rôle de Troy avec une passion qui frise l’excès de zèle, offre à ce personnage une envergure totalement démesurée. Chaque second rôle est également bluffant de bout en bout. Qu’il s’agisse de Mikelti Williamson dans le rôle du jeune frère ou encore Jovan Adepo en tant que fils cadet, chaque personnage est particulièrement marquant.
Mais la performance d’acting la plus bluffante est sans conteste celle de Viola Davis, qui capte les émotions du spectateurs avec une intensité rare au cinéma. Trop peu présente car occultée par la présence quasi-perpétuelle de Denzel Washington, celle-ci s’approprie tout l’espace dès qu’elle arrive à l’écran. Malgré la prouesse d’interprétation de Washington, on peut affirmer sans difficulté que Viola Davis tient le haut du pavé des comédiens dans ce film pour le moins atypique.
Un film brut, authentique et frustrant :
Loin de tout militantisme, ce ne sont pas les problèmes de la communauté afro-américaine dans son ensemble qui nous sont présentés, mais les problèmes quotidiens d’une famille afro-américaine. Un prisme assez rare et bienvenu car aucune grande cause n’est défendue dans cette oeuvre, c’est une simple histoire de famille. Le reste du film est plus difficile à juger, car celui-ci fait énormément appel aux émotions intimes de chaque spectateur. La réalisation de Denzel Washington s’avère très académique et ne va pas chercher dans la prouesse technique. Si cela prive le film d’une certaine audace, cela appuie l’aspect authentique de l’histoire. Authentique, c’est bien le mot pour définir ce film. Les personnages, leurs dilemmes et leur environnement sont presque palpables pour le spectateurs, tant la proximité est poussée à son paroxysme.
Un véritable malaise se crée cependant vis-à-vis du personnage de Troy Maxson. Rappelons-le : l’interprétation de Denzel Washington est absolument magistrale. Cependant, son personnage pose problème. Outre le fait qu’il s’approprie la quasi-totalité de l’oeuvre, le fait est qu’il nous est quasiment impossible de nous attacher à lui. Maxson apparaît au début du film comme un personnage sympathique bien qu’exubérant. Toutefois, celui-ci ne cesse de devenir plus odieux et méprisable au fur et à mesure du film, si bien que progressivement, tout est réuni pour nous faire haïr ce personnage. Bien évidemment, il ne faut pas être dupe : tous ces traits de caractères et ces défauts du personnage ont pour objectif de nous révolter et force est de constater qu’il est atteint.
Quelle problématique cela pose t-il ? Eh bien, le problème est que malgré toutes les failles de Maxson et son comportement abject, on ressent une envie sous-jacente de nous faire éprouver de l’empathie pour lui. Bien évidemment, cette vision des choses est subjective. Il est indéniable qu’un film aussi brut émotionnellement ne sera pas ressenti de la même façon en fonction de l’émotivité de chacun. Il est donc bon que chaque spectateur puisse se faire son opinion sur ce personnage et d’une manière générale, sur l’histoire.
Fences est un film qui, sans être particulièrement novateur, mérite d’être vu. Si quelques défauts sont discernables, il faut garder à l’esprit que des films aussi impactant jouent sur la sensibilité personnelle de chacun des spectateurs. Nous ne pouvons donc que vous conseiller des vous y plonger, afin de ressentir par vous-même les ondes dégagées par cet machine à oscars correctement huilée…