Critique de Moonlight – Oscar du Meilleur Film 2017

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Alors qu’on s’attendait tous à la victoire de La La Land, c’est bien Moonlight qui est reparti avec l’Oscar du Meilleur film dans la nuit de dimanche à lundi. Le film de Barry Jenkins retrace le difficile passage de l’enfance à l’âge adulte avec les questionnements qui vont avec.

 

Trois temps, un mouvement :

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Barry Jenkins choisit de découper son long métrage en trois chapitres bien distincts : Lil, Chiron et Black, des titres extrêmement bien choisis qui symbolisent l’évolution du personnage au fil du temps. Une première partie centrée sur l’enfance, la deuxième sur l’adolescence, pour conclure par l’âge adulte et l’acceptation de sa condition. Moonlight s’inspire partiellement de Boyhood Richard Linklater retraçait également le parcours d’un jeune homme sur onze années. Boyhood avait la particularité d’être tourné sur ces onze années de manière continue, permettant de voir l’évolution physique des acteurs à l’écran. Moonlight n’a pas cette ambition mais traite d’un sujet social compliqué et important : la place des homosexuels dans notre société.

Barry Jenkins aborde le sujet avec une subtilité et une tendresse inédites, sans jamais tomber dans le pathos ou le tire larmes. Le cinéaste raconte l’évolution d’un enfant qui va se révéler homosexuel. Il présente la manière dont ce dernier aborde cette condition, mais également la manière dont la société l’aborde. Un miroir déformant qui traduit l’inquiétude du protagoniste par le rejet des autres garçons. Le personnage a donc une existence difficile entre une mère droguée et un rejet perpétuel des autres à cause de son orientation sexuelle. Sans jamais tomber dans le cliché Barry Jenkins insémine dans la première partie de subtiles références sur sa condition future. Il met en scène un enfant qui se sent différent mais qui ne parvient pas encore à capter l’explication de ce sentiment. Pour fuir ses doutes et sa condition, il va se prendre d’amitié pour un couple interprété par Mahershala Ali (qui interprétait Cottonmouth dans la série Luke Cage) et Janelle Monaé. Ces deux adultes vont l’aider à comprendre son « moi » intérieur et remplacer une mère indifférente.

 

Une technique irréprochable pour un sens du dosage presque parfait :

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Les trois parties sont relativement bien équilibrés. Barry Jenkins parvient à mettre en scène une évolution efficace et compréhensible, proche d’une vérité adéquate. Les trois interprètes de Chiron sont très inspirés tandis que Mahershala Ali n’a pas volé son Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle. Quant à Barry Jenkins, il parvient à capter les lumières et les couleurs de Miami pour créer une ambiance chaude et tropicale revigorante, où la nuit s’exprime à merveille. La photographie est magnifique, créant un majestueux long métrage qui vient affirmer que le cinéma africain est toujours présent. Ce film fait échos à l’idée grandissante comme quoi le cinéma africain est l’avenir du septième art.

Barry Jenkins parvient à gérer son dosage avec beaucoup de grâce et de précision. Cependant les deux premières parties sont peut-être un peu trop poseuses, tandis que la dernière est peut-être un peu trop posée. Explication : dans ses deux premiers chapitres Jenkins choisit une mise en scène flottante, où la caméra, parfois à coup de plans séquences, lévite entre les personnages, choisissant de montrer la beauté des corps et de l’espace en diffusant une impression d’apesanteur revigorante. Pour autant, ce choix artistique éloigne parfois le spectateur du sujet ; mais c’est une pertinente manière de représenter l’esprit divagant du protagoniste et surtout de l’enfance. La dernière partie, elle, offre une mise en scène plus terre à terre, synonyme du passage à l’âge adulte. Pour autant ce troisième chapitre aurait mérité un rythme légèrement plus soutenu et quelques idées d’images et de mise en scène en plus. Une conclusion simpliste, inévitable et parfois relativement fade.

Moonlight n’a pas volé son Oscar du Meilleur film au vu de son sujet social important traité avec subtilité et sensibilité, sans jamais tomber dans le pathos. Pourtant entre Premier Contact, Manchester by Sea et La La Land la compétition était rude.