Après Grave et Get Out, Love Hunters était annoncé comme la nouvelle claque horrifique intelligente. Réalisé par Ben Young, dont c’est le premier film, et porté par Ashleigh Cummings, Emma Booth, Stephen Curry, Love Hunters nous vient d’Australie et raconte la séquestration d’une jeune femme par un couple adulte perturbé par quelques problèmes psychologiques.
Une réalisation puissante et insolente
Ce qui frappe dès les premiers instants, c’est la mise en scène de Ben Young. Très esthétique, le cinéaste joue sur les ralentis, les slow motions, et les longs travellings lancinants. La caméra filme les gens, la ville. Elle situe son contexte, son ambiance, ses enjeux par quelques plans bien choisis. Ce choix artistique met en place une ambiance d’abord mystérieuse puis malsaine et crade. Love Hunters est un thriller d’ambiance qui instaure un climat malsain, une chaleur étouffante aidée par les décors et la texture de l’image qui vire sur les jaunes.
Certains y verront une volonté de masquer le fond par la forme, de couvrir un sujet qui manque parfois de profondeur et de pertinence par une mise en scène ostentatoire et insolente. Il est vrai que le sujet n’est pas transcendant de par son manque d’originalité, mais une simplicité de traitement comme c’est le cas dans Love Hunters, permet de revenir à un style horrifique contemplatif largement oublié et remplacé par les productions bancales et « speedées ». Le dernier en date reste l’inoubliable It Follows. Ben Young ne se prend pas pour Nicolas Winding Refn et n’abuse pas de son habilité à la caméra, donnant parfois des tons très réalistes à son image. Affirmer que le fond est délaissé par la forme serait réducteur.
Un thriller psychologique pertinent
Parce que Ben Young a des choses à raconter, il dresse le portrait d’une femme manipulée, abusée, contrôlée. Et on ne parle pas de la jeune victime. L’épouse du couple, brillamment interprétée par Emma Booth est une figure d’ambiguïté. Tantôt détestée, tantôt empathique, ce protagoniste déjoue les facilités et déconcerte le spectateur. Emma Booth donne une énorme identité à son personnage et l’écriture en fait un enjeu central.
Ben Young joue avec la psychologie de ses protagonistes. Il leur assure un background qui légitime les actions. La victime est en froid avec ses parents, sa rencontre avec ces psychopathes va changer sa vision des choses. Inversement, l’épouse a perdu ses enfants, et cherche un sens à sa vie, à son rôle de mère qu’elle ne peut exprimer. Ben Young ne tombe jamais dans le pathos ou dans la gratuité. Son film n’est pas sadique ou inutilement violent. Les longs métrages qui traitent de séquestration en font généralement des caisses. On pense à Martyr qui n’épargnait pas son spectateur d’une violence insupportable. Love Hunters n’est pas insurmontable visuellement, le cinéaste choisit méticuleusement ce qu’il veut montrer à l’écran. Et son montage précis lui permet d’éviter les dérives et de doser parfaitement son œuvre. Ainsi pas de surplus gratuit, et un rythme pensé et efficace. Malgré un sujet qui se prête au huit clos, Love Hunters n’est jamais ennuyeux. Le film parvient à éviter les redondances et insère régulièrement de nouveaux éléments. Ben Young nous emporte dans cette descente aux enfers jusqu’à un final renversant. Une explosion de saveurs visuelles et intellectuelles, une confrontation courte et absolument renversante, où tout se dénoue en un regard.
Apres Grave et Get Out, Love Hunters est la claque horrifique de l’été. La mise en scène lente et lancinante, toujours magnifique, installe successivement mystère et dégoût. L’histoire est classique, le traitement aussi, mais l’écriture des personnages vaut le détour.