Critique La Région Sauvage de Amat Escalante : une expérience qui vaut le détour ?

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2017 est bien partie pour être l’année du film de genre d’auteur. Avec Grave, Get Out, It Comes At Night et certainement d’autres pépites trop nombreuses pour être citées ici, c’est au tour du Mexique de débouler avec l’étrange et singulier film de Amat Escalante : La Région Sauvage. Tellement singulier qu’il risque de perdre le spectateur… 

Le postulat de base montre déjà l’étrangeté de ce film.  Il s’agit d’un couple en crise qui rencontre une jeune femme qui les mène vers une cabane qui contient une étrange créature, amenant à la fois désir et désolation… 

222854.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxLe film possède une structure très chaotique, donnant l’impression d’assister à un rêve (érotique ?), avec des séquences qui ne semblent pas avoir de lien les unes avec les autres, mais qui finissent par se connecter. Le film se concentre sur le personnage d’Alejandra, jeune mère de famille qui doit faire face à son mari, fortement homophobe aux premiers abords, qui se révèle avoir une liaison avec le frère d’Alejandra. Mais tout ce joli petit monde commence à dérailler, dès que le frère d’Alejandra est retrouvé dans le coma, sévèrement blessé. Alors que son amant est accusé, Alejandra, guidée par une autre jeune femme, Veronica, découvre que le coupable n’est en réalité autre qu’une créature extraterrestre, aimant avoir des relations sexuelles avec des jeunes femmes, envers qui Alejandra finira par succomber… 

Escalante respecte fidèlement la règle numéro un de ce qu’est le genre du fantastique : à savoir un élément inconnu sortant de l’ordinaire qui bouleverse peu à peu le quotidien de ses personnages. Le réalisateur joue aussi avec un des principes du cinéma d’horreur qui est de ne pas montrer l’élément horrifique pour pouvoir provoquer encore plus de suspense et de terreur. Sauf qu’ici, Escalante échoue systématiquement à instaurer du suspens dans son film. 222229.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxL’étrangeté de chaque plan provoquant du suspens et de l’inquiétude chez le spectateur est contrebalancée par une cascade de problèmes sentimentaux chez les personnages, qui font que le film s’éloigne du genre. Le fantastique n’est ici qu’un prétexte pour faire une critique sociale de la société mexicaine : peur de perdre sa bonne réputation (métaphore du rôle des réseaux sociaux ?), critique du rapport mari-femme, de l’homophobie, etc. Malheureusement, tous ces éléments de critique sociale sont bien trop présents et montrés du doigt pour permettre au spectateur de rester dans le film. En essayant de faire quelque chose de jamais vu auparavant et reposant sur les sensations du spectateur, Escalante échoue à faire un film organique et puissant, en réalisant un film qui, au final, s’avère être bien trop pompeux et prétentieux pour être pleinement réussi. Ce qui est fort dommage, puisque Escalante montre bien qu’il est talentueux en filmant des plans étranges et parfois dérangeants, impliquant très souvent des animaux (le film montre une véritable orgie d’animaux de toutes espèces dans une mare). De plus, les personnages sont bien écrits et sont complexes (mention spéciale au personnage de Ange, le mari d’Alejandra, personnage qui masque son homosexualité sous un visage d’homophobe machiste) interprétés par d’excellents acteurs. 

Alors cet OFNI (Objet Filmique Non Identifié), c’est quoi dans le fond ? Eh bien, c’est un film d’auteur mexicain, mélangeant le film d’invasion extraterrestre, le Hentai (forme de film pornographique japonais pour les non-connaisseurs), la romance gay et l’éveil au désir féminin. Il y a encore de nombreuses choses à dire sur ce film. Mais celui-ci, sans qu’il puisse être vraiment considéré comme un bon film, est une véritable expérience qui en vaut le détour. La Région Sauvage est sorti le 19 juillet dernier dans les salles françaises.

Critique par Hugo Turlan

 

Bande-annonce – La Région Sauvage