Critique « Bleeder » de Nicolas Winding Refn

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Sorti en 1999, Bleeder est le second film de Nicolas Winding Refn. Pourquoi JustFocus vous en parle ? Parce que le film sort pour la première fois dans les cinémas français ce mercredi et l’on ne saurait que trop vous conseiller de regarder cette histoire voyant se mêler dans une Copenhague interlope, 2 histoires d’amours, l’une naissante et l’autre qui se délite. 

 

Triste, morose, malsain et pourtant hypnotique

Mads Mikkelsen
Mads Mikkelsen

A la manière de Pusher, ce film qui n’a pas eu droit à l’exploitation qu’il mérite il y a 17ans, traite d’un sujet pesant. Il met en scène des personnages perdus, à côtés de la plaque, en marges de la société dans laquelle ils évoluent. Nicolas Winding Refn présente des personnages hétérogènes, aux aspects différents et aux traits de caractères variés. Il y a d’abord le personnage de Madd Mikkelsen, véritable hommage ambulant au septième art. C’est un homme timide, qui ne parvient pas à aborder ses rencontres avec facilité. Il s’isole, seul, dans le cinéma, regardant films sur films en quantité astronomique. Une manière évidente d’affirmer que le cinéma, et l’art en général, est un véritable refuge, imparfait, mais compatissant, à même d’évader des esprits cloîtrés dans un mode de vie déprimant. Un bel hommage, timide et parfois maladroit, à tout cinéphile et à son propre passé. Pour autant certains autres protagonistes du film ne gèrent pas leur isolement de la même manière. Léo, interprété par Kim Bodnia, réagit légèrement moins bien à sa solitude. Son amie vient de tomber enceinte, ils attendent donc un enfant, une évolution majeure dans la vie du protagoniste qu’il va très mal manier. Face à ce futur fardeau, Léo perd les pédales, frappe son amie et va devoir rendre des comptes à son beau-frère. Des règlements de comptes violents et complètement dingues. NWR présente des individus qui se réfugient dans la violence, la hargne, de peur d’affronter les changements normaux d’une vie. Tous ces personnages sont des froussards, qui ne veulent pas avancer, font tout pour gâcher les quelques rayons de soleil qui parviennent à percer l’épaisse écorce de désarroi qui les entoure. A la manière des films des frères Coen qui mettent en scène des losers magistraux, Bleeder met en avant lui aussi des personnages hypnotiques, car malgré leurs faiblesses et leur lâcheté, Nicolas Winding Refn parvient néanmoins à créer de l’empathie à l’égard de ses protagonistes.

 

Bleeder, une réponse à Pusher ?

bleeder

Bleeder apparaît très proche de Pusher que ce soit dans les thématiques ou dans la réalisation. Les personnages sont différents, le décor aussi, mais les interprètes restent les mêmes, les thématiques également : une manière d’affirmer que rien ne change et qu’il est extrêmement difficile de quitter une condition dans laquelle on s’est établi. Au niveau de l’esthétique et de la mise en scène Bleeder semble être une ébauche de l’avenir cinématographique de Nicolas Winding Refn. Apparaît moins de caméra portée à la main, moins de mise en scène à la recherche du réalisme pur, NWR pose d’avantage sa caméra, prend son temps pour offrir quelques plans stylisés au possible, future marque de fabrique du cinéaste. Avec Bleeder il y a l’affirmation d’un style : chaque personnage est minutieusement décrit, associé dès le générique à un thème musical. Et l’ensemble préfigure les obsessions du cinéaste : l’amour et la violence inexorablement liés, l’hypersensibilité des hommes, l’angoisse de la paternité, l’appétence pour les extrêmes… Bleeder est une puissante confrontation entre la naissance d’un amour fleur bleu et de la décadence d’un amour flétri. Une fois de plus l’amour et la violence sont intrinsèquement liés.

« Dans Pusher, je me prenais pour Scorsese, je filmais un monde que je fantasmais, que je ne connaissais qu’à travers des films ou des documentaires. Mais ce monde n’était pas le mien. Avec Bleeder je voulais affirmer ma propre identité. »

 

Très proche du style et de l’ambiance de la saga Pusher, NWR nous replonge une fois de plus dans des travers familiaux et comportementaux des plus asphyxiants. Sombre et morose, d’un réalisme pessimiste, NWR parvient à créer une empathie des personnages, losers détestables, à l’égard du spectateur. Entrecoupé de plans sublimes, cette histoire tragique passionne par sa beauté mortelle.