Cœurs Purs est un film au scénario très simple : une histoire d’amour dans l’Italie actuelle, où classe moyenne et classe populaire se mêlent. Un scénario très épuré qui laisse place à la mise en scène juste, sans emphase ; chose très rare pour une première réalisation.
Une forte inspiration du cinéma des frères Dardenne
Le concept Dardenne se remarque dans l’aspect ‘’social’’ du film. Agnese, tout juste majeure, est étouffée par sa mère, femme croyante et pratiquante. Élevée dans un univers religieux avec un prêtre très présent, la question du vœu de chasteté prend de l’ampleur dans leur relation, mais également avec ses amis portant des bagues de chasteté. Lorsqu’Agnese rencontre Stefano, la vingtaine, délinquant en réinsertion professionnelle, les contradictions entre ses actes et ses choix entrainent des questionnements fondamentaux. Le passage d’Agnese dans sa vie adulte amène la problématique du lâcher-prise mère/fille ; de la religion ; sans oublier quelques allusions aux migrants et au racisme dans l’Italie profonde.
En dehors du scénario très simple (presque un scénario de téléfilm dont le contexte s’apparente à celui des frères Dardenne), la mise en scène avec la caméra épaule parfois très mouvante sur des gros plans accentue l’effet ‘’film social français’’.
Si ce film peut s’inclure dans une case peu chatoyante réservée à un prisme serré d’intellectuels pompeux, il est néanmoins très intéressant dans son traitement de l’image. Les origines de Roberto De Paolis, ancien vidéaste et photographe, se ressentent fortement. L’image, bien que parfois étouffante dans cette multitude de plans rapprochés avec une caméra constamment en mouvement, nous aspire. L’ouverture et la fermeture sont simplement deux gros plans sur les visages des deux personnages principaux. À l’ouverture du film, Agnese et Stefano se poursuivent, pendant presque une minute nous ne voyons que ces deux figures. Le montage nous indique immédiatement qui poursuit qui. Tout est là. Toute l’histoire du film peut se synthétiser dans ces deux plans très bien pensés. Cette capacité à capter l’essentiel et à le réécrire au montage est une belle leçon de réalisation.
Une direction d’acteurs remarquable
Les personnages pris dans leurs contradictions sont incarnés de façon très juste. Selene Caramazza (Agnese) et Simone Liberati (Stefano) forment un binôme très complémentaire où les tensions du couple ne fondent pas dans un mélodrame télévisuel. Chaque action, ou réaction des deux acteurs est très simple, très directe, va droit au but, dans la même optique que la prise de vue. Selene nous emmène dans ses problématiques qui sont aussi les nôtres. L’identification est presque immédiate. L’absence de maquillage, le naturel voulu, nous entraîne dans un monde vrai : pas de cliché, pas de sensationnel, juste une simplicité embrassée par les deux acteurs.
Le personnage de la mère interprété par Barbora Bobulova face aux deux jeunes ‘’cœurs purs’’ est plus en sourdine. Ce traitement fait ressortir certains de ces actes qui pourraient altérer le film, tant ils sont exagérés. Marta en vient à frapper sa propre fille qui lui a désobéi, une couleur un peu étrange du personnage qui reste crédible grâce à la performance de l’actrice. Les acteurs portent ainsi parfaitement un scénario dont la dimension cinématographique peut être discutée. Dans leurs justesses ces trois visages aux profondeurs singulières nous rappellent l’importance du casting.
Cœurs Purs, sélectionné à la « Quinzaine des réalisateurs » à Cannes, nous invite à repenser la magie du montage et le travail sur la simplicité change du sensationnel épuré qui assailli nos écrans.