Peut-on encore présenter Gaspar Noé ? Le cinéaste argentin (mais en France depuis sa jeunesse), trublion du cinéma français est de retour. Depuis son premier film (Seul contre tous l’odyssée vengeur d’un boucher chevalin) à dernièrement avec Climax, tout en passant par Irréversible, Gaspar Noé n’a pas cessé de provoqué des polémiques. Et cela ne risque pas de s’arrêter avec son nouvel opus, Climax, qui depuis le festival de Cannes monopolise l’attention. Focus.
Cinéma du malaise et de l’outrance, Gaspar Noé signe son grand retour. Après un Love, imparfait, qui était sans aucun doute le film le plus grand public de sa carrière, le cinéaste signe un film qui peut s’apparenter à un film d’horreur différent de tout ce que l’on a jamais vu.
Première image. Un blanc total. Seulement perturbé par l’apparition d’une femme, rampant dans la neige, laissant avec elle des trainées de sang. Tout est dis. Climax sera un film brutal qui ne laissera pas de répit à son public.
Il y a deux films dans Climax. Tout d’abord un film qui s’apparente plus à de l’art contemporain, à l’expérimentation vidéo et chorégraphique qui montre des danseurs danser sur Supernature de Cerrone. Filmé intégralement en plan séquence, et ce, de manière virtuose, Noé montre la danse de manière inédite. Jamais on aura filmé des danseurs de cette façon. Ceux-ci sont filmés de façon à montrer leurs beautés, leurs fougues et leurs jeunesses. Avec à leur tête Sofia Boutella, qui impressionne. Seule actrice professionnelle, on a l’occasion de la redécouvrir et de la voir telle que l’on n’a jamais vu. Dans un rôle bien différent de Kingsman, ou La Momie, elle signe ici l’une de ses meilleures performances qui est fascinante par son intensité. Quand aux autres acteurs, que des inconnus, issus d’ethnies différentes mais représentant différentes sexualités (présence de transgenre, gay, lesbienne, hétéro etc.). Leurs performances est à saluer, malgré quelques moments de faiblesses dans les dialogues (bien que le dialogue sur la sodomie entre deux personnages noirs s’annonce comme une futur scène culte). Faiblesses contre-balancées par des performances physiques impressionnantes.
La deuxième partie, elle, est un véritable film d’horreur. L’intrigue est on ne peut plus simple. Alors que la bande de danseurs font la fête après une dure journée de répétition, un petit malin glisse du LSD dans la sangria. Et à partir de ce moment là, le récit s’emballe et se transforme progressivement en horreur pur et dur. Filmé en plan séquence, faisant au moins 45 minutes, l’horreur intervient progressivement, tel un lent crescendo. Partant de crise de panique allant jusqu’à l’orgie et la crise d’épilepsie, avec un passage à tabac de femme enceinte, des affrontements etc. Gaspar Noé ne se limite pas dans la violence. Sans être qualifié de gore, elle nécessite d’être particulièrement accroché et d’être prêt à être extrêmement mal à l’aise. Malaise, renforcé par l’utilisation de la caméra et du son, provoquant inévitablement des vertiges. Ici, la caméra et l’intrigue sont très clairs au début, trés lisible, avant de basculer de manière irrémédiable de façon chaotique, traduisant l’état d’esprit des personnages alors au bord de la folie. Technique déjà employée par Noé dans Irréversible, mais qui commençait cette fois de manière chaotique mais finissait de manière très compréhensible.
Gaspar Noé se surpasse ici. Il filme les événements d’une main de maître. Le film est composé notamment de deux très longs plans-séquences spectaculaires. La photographie est, elle, absolument parfaite, et témoigne d’une maitrise de la lumière quasi unique dans le cinéma français. L’utilisation de la musique est, elle aussi, impressionnante, avec notamment l’apparition très ironique de Tainted Love dans une situation extrêmement éprouvante. Ou encore la vision poétique d’un réveil après une nuit de cauchemar sur une version instrumentale d’Angie des Stones. Tout cela ne sert évidemment pas à servir un message. Le seul message que l’on peut trouver dans ce film est un « ne prenez pas de la drogue, c’est dangereux ». Or, Gaspar Noé n’est pas un cinéaste du message mais de l’expérience. Un cinéaste qui cherche par tous les moyens à provoquer les émotions les plus violentes qui soient. Allant jusqu’à forcer certains spectateurs à sortir de la salle.
Les plus sensibles auront du mal à tenir devant Climax qui n’a aucun pitié envers son public. Pour les autres, amateurs d’expériences fortes et de masochisme cinématographique, Climax est du pain béni. Mais une chose est sûre. Vous ne serez pas prêts.