Alors que son quotidien se ternit de plus en plus et qu’il sombre, Mathieu (interprété par Jérémie Renier) décide de tout quitter pour s’installer dans la forêt. Ailleurs si j’y suis raconte son histoire, mais aussi celle d’un entourage qui n’y voit pas plus clair que lui.
Un monde en perdition
Dans Ailleurs si j’y suis, il n’y a pas un personnage qui ait l’air de savoir où il en est dans sa vie. Chacun est en proie au doute et tente de trouver un moyen de s’en sortir. C’est un véritable moment de transition, on pourrait même dire de passation dans cette crise identitaire commune. Entre une future ex-femme qui s’entiche d’un idiot manipulateur, un patron qui déteste sa vie, un meilleur ami terrifié de l’engagement et un père obsédé maladivement par la mort… Mathieu est au final le plus aguerri du lot et son personnage pose de véritables questions : C’est quoi la liberté, est-ce que lâcher prise est essentiel et à quel point ? Cela semble être tout le propos du film. Il y a un véritable contraste esthétique (que ce soit au niveau du cadre ou de la colorimétrie) entre le quotidien et les moments de liberté. On passe d’espacés exigus et ternes à d’autres infinis et colorés, lumineux. Tout le monde peut se retrouver dans ce récit s’il a besoin d’air et se sent enfermé dans son quotidien. Ailleurs si j’y suis est un récit initiatique qui veut faire respirer son spectateur autant que ses personnages.
Rêves et fantasmes
La nature est le lieu de la libération dans le film et il nous offre de grands espaces verts magnifiques avec une colorimétrie particulièrement belle et significative. Un véritable retour aux sources les plus basiques de l’être humain, presque primitives. Chaque personnage se retrouve attiré par cette nature, cette immense forêt qui semble les appeler à tout quitter. Ailleurs si j’y suis emprunte au fantastique dans sa direction artistique sans le côtoyer dans son scénario. La forêt est un fantasme qui ressemble au Songe d’une nuit d’été de Max Reinhardt, comme un monde parallèle qui rend heureux, au moins pour un temps. Le temps de réussir cette dite passation. Cette dualité drame/fantastique qui prend des airs d’absurdes fonctionne et n’a aucune difficulté à se mélanger. Ce sont d’ailleurs les séquences dans la forêt qui se démarquent le plus et s’avèrent être les plus réussies.
Où est-ce qu’on va ?
C’est une des questions que pose Ailleurs si j’y suis, et c’est aussi son plus gros défaut. Le film semble se perdre en cours de route et son propos a beau être volontairement flou, au final ça ne fait que le desservir. Il a un goût d’inachevé malgré une idée forte et globalement bien exécutée et on ne peut s’empêcher d’en ressortir frustré. Si le récit initiatique se lance bien, il finit par tomber à plat. On peut noter quand même des performances d’acteur très bonnes, voire même excellentes du côté de Jérémie Renier et Suzanne Clément et des personnages attachants. C’est bien ça qui est dommage, le film avait tout pour réussir mais se perd en cours de chemin, et ni les idées de réalisation osées et fructueuses, ni l’attachement qu’on peut porter aux personnages ne peuvent aider ; c’est même ce qui fait que la chute soit si rude : on a appris à les aimer et à apprécier leur parcours pour se retrouver frustrés même si le parcours initiatique est terminé.
On aurait aimé qu’Ailleurs si j’y suis étaye plus son propos intéressant et sa réalisation inventive et maîtrisée. Malgré de nombreuses bonnes idées et un moment globalement agréable, les questions qu’il pose sont elles aussi intéressantes mais le tout manque de substance, au final. Un visionnage qui vaut le coup ceci dit, ne serait-ce que pour son image.
Ailleurs si j’y suis en salles le 29 mars