Grand prix du festival du cinéma américain de Deauville en 2015, 99 Homes frappe fort et juste, sept ans après la crise des surprimes aux Etats-Unis. Ramin Bahrani dépeint une course à l’argent emplie de colère, qui s’accentue jusqu’à la rupture, et nous donne des armes bien vaines contre un capitalisme tout-puissant. Un grand film politique et irascible, à (re)découvrir dès maintenant sur Netflix.
Etats-Unis, Floride. Le décor est paradisiaque, les maisons s’enchaînent avec leur gazon parfaitement tondu et leur piscine bleutées. Et pourtant derrière les façades se jouent des drames qui brisent ces vies familiales à l’apparence parfaite. En 2008, la crise des subprimes frappe violemment les Etats-Unis, et plonge dans la misère de nombreuses familles : Dennis Nash (Andrew Garfield, le héros du récent Under the Silver Lake), père de famille célibataire vivant avec son fils et sa mère, se retrouve ainsi du jour au lendemain sans maison, contraint de tout laisser sur le trottoir. Celui qui le met dehors, c’est Rick Carver (Michael Shannon), un agent immobilier biberonné au capitalisme dénué d’empathie et de paroles réconfortantes.
Ramin Bahrani plonge sa caméra dans les situations précaires, sans jamais porter de jugement hâtif et déconstruit ; ne penchant ni d’un côté ni de l’autre, le scénario prend toujours le recul nécessaire à cette dure réalité. Au lieu de prendre parti entre les charognards et les familles démunies, le réalisateur pose son regard amer sur la culture du capitalisme, sur les enseignements terribles de l’argent et son pouvoir destructeur. Les rôles s’inversent petit à petit tout au long du film, jusqu’à la déconstruction des bourreaux et des victimes dans un rythme pesant et une atmosphère tendue. La colère mesurée et contrôlée se déverse dans les paroles et dans les images, une colère tranquille qui couvre une rancune omniprésente et délivre des émotions justes.
Là où Ramin Bahrein réussit également à nous toucher, et à rendre plus que vivant son récit, c’est dans l’enchaînement des situations et leurs répercussions. Alors que beaucoup voient dans leur maison un foyer empli de souvenirs, d’autres y voient une valeur, des chiffres, des murs ayant un coût et un bénéfice. Et chacune de ces deux visions a des répercussions sur les actions qui suivent, sur les rapports humains et sur les liens familiaux et professionnels.
Véritable force politique, 99 Homes détonne dans le paysage cinématographie par sa justesse et son engagement contre un système gangrené par la culture de l’argent. Un coup de poing bien dosé, admirablement interprété, et que l’on est pas près d’oublier. A (re)découvrir dès maintenant sur Netflix.