Critique « Ava » de Léa Mysius : un film plein de charme et d’énergie.

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En choisissant de concentrer son film sur une adolescente victime d’une dégénérescence de ses facultés oculaires, la réalisatrice Léa Mysius offre un portrait touchant de la jeunesse et de ses multiples désirs d’émancipation tant morale que sexuelle. Un film qui met en lumière Noée Abita, nouvelle arrivée qui fait preuve d’une fougue et d’une justesse à toute épreuve.

Frappée par l’injustice dont elle fait l’objet, elle qui voit sa vision diminuer au fil des jours et être réduite au néant dans les dernières heures du jour, Ava est une adolescente maussade, embarquée dans « les plus belles vacances de sa vie » par sa mère. Une mère un peu folle, au caractère mielleux et légèrement agaçant, post-soixante-huitarde décomplexée à l’humeur explosive. Une femme qui assume pleinement sa sexualité débridée jugée avec purisme par sa fille aînée. Les deux héroïnes permettent à Laure Calamy et Noée Abita de former un duo convaincant, à la fois dramatique et plein d’humour, représentatif des rapports complexes unissant mère et fille dans l’adolescence. Une relation étouffante qui poussera Ava à s’émanciper et à explorer les environs en quête de sensations fortes. La jeune femme exerce ses sens au gré de ses jeux enfantins et souhaite ainsi devancer sa perte de vision rampante. Alors que la nuit semble se refermer de plus en plus sûrement autour d’Ava, cette dernière fait la rencontre d’un jeune Gitan mystérieux dont elle ne tardera pas à tomber amoureuse. Une véritable bouffée d’air pour l’adolescente qui découvrira par la même occasion la puissance de son corps et de désirs jusqu’à présent bridés.

Ava film

 

Une actrice qui se distingue de par sa maturité

Ava met en scène un heureux paradoxe : celui de la perte de la vision combinée à la renaissance de son héroïne, totalement transformée par son histoire d’amour avec Juan. Grâce à cette romance complexe, la jeune femme va surmonter l’une de ses peurs fondamentales, qu’est celle de n’avoir pu « voir que de la laideur » au cours de son existence. Sa rencontre avec le bel éphèbe a l’effet d’un uppercut et permet à l’héroïne de découvrir la Beauté, tant dans les sentiments qu’elle éprouve pour son amant que par le processus de contemplation qu’elle expérimente à ses côtés. Une histoire d’amour lumineuse et salvatrice qui n’en demeure pas moins marquée par une complexité évidente, confrontant l’adolescente à la dure réalité d’un amour non-réciproque. L’amante oscille constamment entre bonheur et désillusion, à l’image de la magnifique séquence rythmée par « Sabali », petite pépite d’Amadou et Mariam. Un changement perpétuel d’humeurs et de sentiments caractéristiques de l’adolescence et qui est traduit avec brio par la bande originale du film, alternant entre morceaux sombres et lumineux, embrassant les états d’âme de son héroïne. Une jeune femme interprétée tout en justesse par Noée Abita qui fait preuve d’une maturité exceptionnelle, tant dans ses répliques que dans son rapport au corps. L’actrice se montre parfaitement naturelle dans des scènes de nu qui confèrent au film certaines de ses séquences les plus délicieuses, comme celles de l’éclosion de l’amour et de la complicité liant Ava et Juan et qui plongent un instant le film dans le registre du western.

critique ava

 

Ava, Un mélange des genres intéressant

Un mélange des genres qui s’applique également aux cauchemars de l’héroïne qui propulsent habilement le spectateur dans un cinéma horrifique et surréaliste qui tranche avec le naturalisme propre au début du film. Des rêves traumatisants qui illustrent les évolutions qui agitent Ava et sa peur irrépressible du noir. Une noirceur grandissante liée à la perte de la vision, métaphore dissimulée de l’obscurantisme rampant oeuvrant depuis plusieurs années en France. La vision qui se rétrécie traduit ici une urgence qui est reliée aussi bien au destin de l’adolescente qu’au contexte politique national. Au-delà de ce message sociétal, Léa Mysius livre ici un premier long-métrage plein d’énergie, qui, bien qu’il s’essouffle dans sa dernière partie centrée sur la fuite des deux amants, se montre rafraichissant et plein de charme. Une réussite due tout autant à la maîtrise dont fait preuve la réalisatrice en terme de mise en scène qu’à celle de sa direction d’acteurs. Des interprétations à saluer, qu’il s’agisse de celle de Laura Calamy (encore une fois grandiose), de Noée Abita (à suivre absolument), Juan Cano ou encore Daouda Diakhate. Un joli film à ne pas manquer.

 

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