Alors que La Piscine de Jacques Deray, sorti en janvier 1969, venait réchauffer les spectateurs en plein hiver, A Bigger Splash du réalisateur italien Luca Guadagnino, est sorti cette semaine en salle et nous offre un avant-goût d’été !
Un projet ambitieux : réaliser le remake d’un film culte
Réaliser le remake d’un film aussi culte que La Piscine était un pari risqué, voire insensé. Porté par le couple mythique Romy Schneider – Alain Delon, dont les retrouvailles pour le tournage, cinq ans après leur rupture, avaient fait les choux gras de la presse, le film de Jacques Deray est devenu une référence. Sorti en 1969, « année érotique », comme le chantait si bien Jane Birkin, qui incarnait Pénélope, il est emblématique des années 60 et de la libération sexuelle alors en cours, notamment pour les femmes. La contraception en France venait d’être légalisée à peine un an plus tôt, et quelques années après, l’avortement était autorisé.
Aujourd’hui, tous les acteurs du film, à l’exception de Maurice Ronet, un peu tombé dans l’oubli, sont devenus de véritables icônes, symboles de glamour et d’élégance. Jane Birkin a donné son nom au sac d’une célèbre marque de luxe et la maison de haute couture Dior s’est emparé des images du film avec Delon pour une campagne de publicité.
Mais cela n’a pas arrêté le réalisateur italien Luca Guadagnino, qui s’est fait connaître grâce à son film Amore (Io sono Amore) pour lequel il avait déjà collaboré avec l’actrice britannique Tilda Swinton. Transposant l’intrigue du Saint-Tropez des années 60 à la Sicile de 2015, il raconte cette histoire intemporelle de jalousies et de jeux de séduction, à sa sauce, et à son époque.
Déchaînement des passions dans un paysage de carte postale
Marianne (Tilda Swinton), rock star arborant en concert un maquillage façon David Bowie, se repose après une opération des cordes vocales dans sa villa en Sicile avec son petit ami Paul, incarné par Matthias Schoenaerts. Ils coulent des jours paisibles, constamment nus, et le temps est comme suspendu. Mais leur tête-à-tête amoureux prend fin lorsque Harry (Ralph Fiennes), trouble-fête et ancien amant de Marianne, débarque dans la villa avec Pénélope (Dakota Johnson), sa fille de 23 ans qu’il n’a lui-même rencontrée que récemment. Commence alors un jeu de séduction entre Marianne et Harry, qui souhaite reconquérir la rock star, et entre Pénélope et Paul, ce dernier n’étant pas insensible aux avances de la Lolita. Les jalousies et la tension sexuelle grandissent au fur et à mesure que ce quatuor se mure dans un huis clos explosif, la plupart de leurs interactions se déroulant autour de la piscine de la villa.
Si Deray avait posé ses caméras sur la Côte d’Azur, Luca Guadagnino a, lui, choisi la Sicile comme décor, et accorde plus d’importance à son cadre que son prédécesseur. La caméra du réalisateur italien nous livre des paysages de carte postale et l’on est immergé dans l’ambiance sicilienne, avec ses sons de cigale, son arrière-pays luxuriant, sa topographie accidentée, ses ruelles étroites et ses maisons colorées. Et le bleu chatoyant de la piscine devient une couleur chaude.
Une version de La Piscine plus « obscène »
Luca Guadagnino veut retranscrire à l’écran une forme de sensualité exacerbée, qui frôle l’obscénité, parti pris complètement assumé par le réalisateur qui fait dire au personnage de Ralph Fiennes, lorsque la tension atteint son paroxysme dans le film, « Everyone’s obscene, that’s the all point! ». Toutes les peaux, que ce soit celles des acteurs nus ou celles de poissons fraîchement pêchés, sont filmés de très près. A Bigger Splash est une version plus osée de La Piscine, et pour cause, l’époque n’est pas la même. Il en faut plus en 2016 pour choquer et exciter. C’est un remake rock’n’roll avec pour bande originale de nombreux titres des Rolling Stones et avec une prestation mémorable de Ralph Fiennes dansant comme Mick Jagger.
Néanmoins, le réalisateur ne se limite pas complètement à ces riches pourris gâtés cloisonnés dans leur villa, que la réalité rattrape vite lorsqu’un drame se produit. Les migrants, que l’on aperçoit à quelques reprises dans le film, font irruption dans le quotidien des personnages lorsqu’il s’agit de trouver un coupable… Une façon pour le cinéaste d’inscrire son œuvre dans l’actualité européenne du moment.
Drame moins psychologique que La Piscine
Le titre « A Bigger Splash » est emprunté à l’œuvre de 1967 du peintre David Hockney, qui représente un plongeon figé dans la piscine d’une villa californienne. Luca Guadignino souhaitait-il explorer plus en profondeur les méandres psychologiques de l’être humain ? Si c’est le cas, force est de constater que c’est un échec. Les acteurs sont excellents. Mais si le scénario de la Piscine permettait aux acteurs de cerner avec justesse la psychologie de leurs personnages, celui d’A bigger splash nous rend plus perplexes quant aux motivations premières du réalisateur. Ralph Fiennes, qui s’est, depuis The Grand Budapest Hotel, découvert un talent de clown ultra bavard, tire ici un peu trop sur la corde, et Matthias Schoenaerts semblerait presque doux comme un agneau, et son agacement face à un Harry vindicatif et à une Pénélope aguicheuse est plus compréhensible que ne l’était la noirceur du personnage d’Alain Delon.
Guadagnino a voulu livrer sa propre réinterprétation du film. Malheureusement, lorsqu’on s’attaque à un film aussi culte que La Piscine, il faut s’attendre à ce que son œuvre soit continuellement comparée à la précédente. L’œuvre de l’italien est certes plus esthétique mais elle ne permet pas d’évoquer avec justesse la psychologie de ses personnages, en tout cas, pas aussi bien qu’avec le film de Deray. L’œuvre reste néanmoins esthétiquement très aboutie, et rien que pour l’avant-gout d’été qu’il nous livre et ses 3 acteurs principaux géniaux, le voir au cinéma reste tout de même indispensable !
Pourquoi écrire dans cet article qu’ils sont constamment nus, alors qu’ils se bronzent et baignent systématiquement en maillot de bain.
Offrez-moi un dictionnaire neuf si le terme « nu » a ainsi changé de sens!
Bonjour Maud,
Si vous avez seulement vu la bande-annonce, effectivement, on voit les personnages de Paul et Marianne en maillots de bain. Mais ils sont sur une plage publique, et non chez eux. Dans leur villa, ils sont effectivement (pardon je vais récidiver) « constamment nus ». Paul fait même remarquer à Marianne avec regret à l’arrivée de Harry qu’ils ne pourront plus se balader tous nus. Je sais que les lundis matins sont difficiles, mais il faut se détendre Maud 🙂