À partir du début du mois d’août, il sera possible de (re)découvrir en salle et en version restaurée, trois œuvres de la filmographie du cinéaste nippon Takeshi Kitano : Kids Return (1996), Hana-Bi (1997) et L’été de Kijujiro (1999). Trois œuvres singulières qui mettent en perspective toute l’étendue de l’univers cinématographique développé par le cinéaste.
Takeshi Kitano est un artiste pour le moins complet ; à la fois réalisateur, acteur, animateur de télévision, humoriste, artiste-peintre, plasticien, écrivain, poète, chanteur et designer de jeu vidéo. Le cinéma est un médium qui lui permet de synthétiser ses multiples facettes.
Que ce soit au Japon ou à l’étranger, Kids Return est le premier film de Takeshi Kitano à susciter l’unanimité aussi bien auprès du publique que de la critique. Hana-bi est récompensé en 1997 par le Lion d’Or au festival de Venise, apportant de ce fait au réalisateur une renommée internationale. Quand à L’été de Kikujiro, celui-ci lui permet d’accéder pour la première fois à la sélection officielle du Festival de Cannes.
En 2003, Takeshi Kitano s’empare du personnage culte japonais, Zaïtochi, masseur aveugle et chevalier errant qui oeuvre pour la défense des plus faibles. Il signe ainsi ce qui est sans doute l’une de ses plus grandes réussites.
Kids Return (1996)
Masaru et Shinji préfèrent aller traîner dans les bars, s’adonner au vol et glander plutôt que de se rendre au lycée. Un jour, deux adolescents reviennent accompagnés d’un ami boxeur qui met Masaru K.O. Masaru décide alors de se mettre à la boxe et entraîne Shinji, qui se révèle être bien meilleur que lui. Masaru délaisse alors le ring pour tenter sa chance du côté de la mafia locale, dans le monde impitoyable des Yakuzas.
Habitué à incarner ses propres personnages, Kids Return est l’un des rares films où Kitano n’apparaît pas en tant qu’acteur. Le film, qui aborde le thème de l’adolescence et des choix cruciaux que l’on peut faire à cette période, est perpétuellement empreint d’une douce nostalgie. La musique, indéniablement influencée par l’univers du jeu vidéo, insuffle une énergie joyeuse au récit.
Amateurs de survêtements satinés et chatoyants, vous serez servis!
Hana-Bi (1997)
Yoshitka Nishi, inspecteur de police violent et imprévisible, a perdu sa fille il y a quelques années. Sa femme, elle, est atteinte d’une leucémie incurable. À la suite d’une fusillade, son partenaire Horibe devient paraplégique et un autre de ses collègues est tué. Il décide alors de démissionner et commet un braquage afin de rembourser d’importantes dettes contractées auprès des Yakuzas. Nishi part ensuite pour un dernier voyage avec sa femme à travers le Japon.
À priori, rien de très réjouissant au programme. Oui mais seulement Hana-Bi est une petite merveille de montage ! Le titre du film (qui signifie « feu d’artifice ») annonce le foisonnement de transitions détonantes. Kitano fait ici et ce dès l’ouverture, un brillant usage du montage elliptique qui caractérise si largement son style.
Hana-Bi permet à Kitano d’exploiter la peinture comme un véritable langage et d’exprimer ainsi son talent de peintre-plasticien (c’est lui qui est l’auteur de tous les tableaux présents à l’image). En effet, lors de sa convalescence, le personnage d’Horibe se met à peindre pour tromper son ennuie et échapper à sa condition de paraplégique. Kitano érige ainsi la peinture en un puissant moyen d’évasion.
Avec ses lunettes noires et son air taciturne, Nishi (qui n’a rien à envier au Léon de Luc Besson), constitue un personnage riche et complexe, porteur d’une violence inouïe mais également d’un amour pudique envers son épouse. Le personnage condense les thématiques qui se confrontent tout au long du récit : un équilibre subtil entre mélancolie et violence.
L’été de Kikujiro (1999)
Alors que les vacances d’été débutent, Masao, jeune garçon âgé de neuf ans, vit seul avec sa grand mère dont le travail occupe ses journées. Masao fait alors la rencontre de Kijujiro, un ancien yakuza avec qui il décide de partir à la recherche de sa mère.
Je lui ai dit de prendre des risques. De filmer des plans comme on n’en avait jamais vu. Histoire de s’amuser. Il est allé très loin. A quoi bon demander à un cameraman de refaire ce qu’il a déjà fait ? (…) J’ai demandé au cadreur de faire des folies pour m’amuser.
L’été de Kijujiro est un road-movie à l’humour potache et poétique qui revêt la forme d’un roman photo. Comme dans la plupart des roads-movies, ce n’est pas le but du voyage qui importe mais bien le parcours qui permet d’y arriver. Masao et Kijujiro forment un duo insolite mais attachant. Au gré de leurs pérégrinations, ils rencontrent des personnalités atypiques. Ces individus en marge de la société : saltimbanques, marchand ambulant et motards, leur procureront un dépaysement salvateur. Pour ce film, Kitano s’entoure une nouvelle fois de Joe Hisaishi qui va signer là l’une des B.O les plus mémorables de leur collaboration.
Bien qu’il ait aujourd’hui quelque peu disparu du paysage cinématographique, Takeshi Kitano compte parmi les révélations majeures des années 90. Sa personnalité et sa vision poétique sont à l’origine de très beaux films qui ont autant marqués les spectateurs que l’histoire du cinéma. C’est donc un devoir que d’aller voir ou revoir sur grand écran les chefs d’œuvres de ce réalisateur.