Une vie secrète : les taupes de la dictature franquiste

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« Une vie secrète » parle des « taupes » républicaines obligées de se cacher pendant des décennies pour échapper à la dictature franquiste. Le film a été inspiré de la vie de Manuel Cortés, maire de Mijas, Malaga, pendant la Seconde République espagnole. Il vécut caché chez lui pendant trente ans et son parcours a été relatée dans le documentaire « 30 ans d’obscurité » de Manuel H. Martín, 2011.

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L’histoire

Espagne 1936. Higirio Blanco, tailleur et conseiller municipal, vient d’épouser Rosa. Il est partisan républicain et quand les troupes de Franco se rapprochent de sa ville, il sait que sa vie est menacée. Effectivement, il est raflé par les phalangistes mais parvient à s’évader. Dès lors, il décide d’un commun accord avec Rosa de se réfugier dans la maison dont elle a hérité et de ne plus en sortir tant que le dictateur sera en place. Le couple y restera cloîtré pendant trente-trois ans. (Wikipedia)

Fiche technique

Titre original : La trinchera infinita
Réalisation : Aitor Arregi, Jon Garaño, Jose Mari Goenaga
Scénario : Luiso Berdejo, Jose Mari Goenaga
Pays de production : Espagne, France
Genre : Drame
Durée : 147 minutes
Sortie : 2019

Distribution : Antonio de la Torre , Belén Cuesta

Impressions

Pas évident de savoir si ce film reflète vraiment cette période terrible qui a été le franquisme. Si vous vous êtes déjà entretenus avec des personnes qui ont traversé cette époque, vous pourrez constater l’excellente performance de cet acteur énorme qui est Antonio de la Torre Martin. Ses yeux, sa gestuelle, sont envahis par la même peur. Ce qui se dégage de lui nous installe directement dans une ambiance de dictature et atrocités.

Si l’on compare « Une vie secrète » au film coréen « Alive », on se rend compte que l’intrigue, le parcours, le résultat, sont exactement les mêmes. Plus qu’un film de zombies, « Alive » se présente comme une histoire où le personnage principal se voit attaqué par une cause extérieure. Seul, il doit trouver la solution qui lui permettra de survivre. Pour ce faire, il ne peut que se barricader. Les zombies ne sont qu’une excuse. Une raison pour développer la solitude et la détresse d’une personne obligée de se cacher.

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Nous pourrions ajouter le même commentaire pour « La trinchera infinita » traduit en français par « Une vie secrète » mais qui en réalité veut dire La tranchée infinie. Une tranchée qui n’en finit jamais. Le titre en français se focalise plus sur le personnage alors que le titre en espagnol évoque directement une situation de guerre où l’on doit se cacher.

On pourrait diviser le film en trois parties, quatre si on compte la fin. « Une vie secrète » démarre avec des poursuites filmées avec adresse par une caméra sur l’épaule. De quoi donner le tournis, certes, mais cela intensifie cette peur d’être attrapé. L’anxiété, la frayeur, la transpiration, les yeux effrayés de l’animal acculé… tous les éléments se densifient par ces images saccadées. Il s’agit d’une introduction qui contraste avec l’engourdissement de la deuxième partie.

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Rosa et Higinio viennent à peine de se marier. Ils doivent apprendre à se connaître à l’intérieur de leur maison. Les premiers plans rendent l’espace plus étriqué, ainsi que leur relation. Le huis clos est suffocant. L’amour commence à s’ébrécher sans toucher vraiment à leur complicité. C’est alors que la troisième partie du film, et probablement la plus importante, prend place. La paranoïa, la crainte noire, la solitude d’un homme enfermé depuis des années, le tout accentué par des premiers plans beaucoup plus réguliers. Cette description méticuleuse de la situation désespérée de cet homme, nous fait comprendre que nous sommes arrivés au but ultime du film.

Il s’agit surtout de l’histoire d’un homme qui fera tout pour ne pas mourir. Il aurait pu être enfermé à cause d’un handicap, des nazis, ou de ces fameux zombies. Mais ce qui compte est la représentation, dans le moindre détail, de la peur sous la forme de cet homme qui craint d’être fusillé. Ses ressources, ses réactions, sa dépendance, sa colère, sa méfiance, sa suspicion. Nous vivons avec lui cette longue période de 30 ans qui peut nous paraître inconcevable, mais que nous qualifierons plutôt de surprenante, dans la mesure où ce film est basé sur une histoire vraie.

Le réalisateur arrive subtilement et presque avec délicatesse, à nous transmettre l’ambiance, la lourdeur d’une dictature qui reste encore présente dans tous ceux qui comme moi, l’avons vécu pendant notre enfance.

Touchant, magnifique.

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