YS : La légendaire cité émerge à nouveau

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Impérissable mythe, la ville d’Ys ressurgit des flots atlantiques sous les pinceaux de Loïc Sécheresse, guidé par le crayon inspiré d’Annaïg, et le charme opère immédiatement, tant la fascination pour la cité engloutie est toujours aussi vive. A découvrir aux éditions Delcourt.

 

La légende de la ville d’Ys a toujours suscité une grande fascination. La plus célèbre légende maritime française a ainsi inspiré Annaïg Plassard et Loïc Sécheresse qui proposent de ce récit épique leur vision issue des traditions véhiculées oralement depuis des siècles, et dont il n’existe aucun texte originel, mais aussi de leur propre imaginaire. Néanmoins, la scénariste n’utilise pas ce matériau ancien seulement pour se contenter de raconter une énième version de la légende, mais pour mettre en évidence certains aspects de notre actualité, notamment concernant le statut de la femme dans nos sociétés modernes, ou la volonté des religions de vouloir imposer leurs vues par la force et la propagande, s’appuyant sur la vulnérabilité des intellects les plus influençables.

Ce qui fait avant tout la qualité de cet album tient à son scénario et à ses personnages. Le récit ayant toujours été de tradition orale jusqu’au XIXe siècle, où il a connu sa plus grande diffusion, malgré quelques évocations hagiographiques plus anciennes, les possibilités de broder des intrigues ou de créer de nouvelles péripéties sont donc tout à fait possibles et ne peuvent choquer, car il n’a jamais été fixé par un unique texte original de référence ; un peu comme la légende arthurienne, dont chaque auteur s’approprie l’œuvre laissée libre. Annaïg s’est basée sur les origines de la légende, datant d’avant la christianisation du pays, pour situer son histoire. Mais elle utilise également le récit christianisé du XVe siècle, qui fait intervenir Saint-Corentin au côtés du roi Gradlon, de même que les ajouts ultérieurs du XXe siècle (la reine Malgven et le cheval Morvarc’h) et, bien sûr, le personnage central de Dahud qui n’est mentionnée qu’à partir du XVIIe siècle dans La Vie de Saint-Guénolé.

 

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Il s’agit donc d’une synthèse de toutes ces sources. Et c’est un choix très judicieux car il permet aussi d’ancrer le récit dans la réalité historique, donnant plus de corps aux personnages et au contexte (cf. la construction de la cathédrale de Quimper). Une fois tout ceci clairement posé, les éléments du réel et de l’imaginaire s’entremêlent adroitement. Et la ville libre d’Ys côtoie la ville chrétienne de Quimper. On voit ainsi poindre une question de communautarisme, avec tout ce que cela implique, et d’opposition entre païens et chrétiens (souvent désignés comme les « barbus », dont l’attitude en rappelle d’autres, contemporains). Les femmes se voient désignées par la nouvelle religion comme pécheresses dans une société où la notion de péché n’existait pas auparavant, et commencent également à se voir accusées de tous les maux. Sans jamais être militant, insistant ou moralisateur, le discours, plutôt subtil, permet de lire un récit de très bonne qualité qui nous parle de faits concrets d’aujourd’hui de manière onirique.

La lecture est d’autant plus aisée qu’elle est favorisée par un bon découpage, une très bonne mise en couleur (ce qui est très rare de nos jours), des personnages attachants et un plaisant format d’album. Le seul problème majeur d’Ys vient de Loïc Sécheresse dont le dessin paraît trop brouillon, et parfois vraiment laid (on pense à une sorte de Sfar privilégiant les arrondis aux lignes brisées). Aucun corps ne semble jamais solide. Tout est flasque et vague. Aucune sensation de rigidité n’apparaît jamais (hormis la cathédrale et les maisons quimpéroises), comme si les personnages n’avaient pas de squelette. Certaines cases sont même indéchiffrables en première lecture, ce à quoi s’ajoute un lettrage désagréable. Et c’est bien dommage, car avec un dessin moins « nouvelle BD », l’album aurait vraiment été excellent.

 

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Les amateurs de légendes bretonnes, de cités englouties et de magiciennes des temps druidiques trouveront certainement leur bonheur dans la relecture proposée par Annaïg et Loïc Sécheresse du fameux mythe d’Ys. Certains seront peut-être circonspects devant l’aspect graphique de l’objet, mais ce n’est pas suffisant pour délaisser cette réappropriation, pour le compte tout à fait convaincante. A noter également une sympathique préface de Gilles Servat.