Dernière étape de la trilogie italienne d’Alfred, Maltempo est un bien meilleur cocktail que le Spritz en mixant vie personnelle, passion pour la musique et paysage méditerranéen.
Maltempo, une guitare au soleil
Ce récit complet vous emporte dans une île pauvre et rurale du sud de l’Italie. Le lecteur rencontre Mimmo, un adolescent rêveur. Alors que tout le monde lui dit de revenir dans la réalité, il refuse la fatalité d’une vie médiocre. Mimmo veut devenir musicien de rock’n’roll. Il part en Vespa à travers le village pour retrouver ses amis : le chanteur Cesare, le batteur Mortadelle et le bassiste Guido afin de répéter pour un concours. Le jury d’une célèbre émission musicale vient dans leur bled pour chercher de nouveaux talents. Mimmo est persuadé qu’ils tiennent là une chance de percer.
Ils sont encore loin du hit-parade, leur groupe n’ayant toujours pas de nom. Si Mimmo est totalement impliqué, il doit pourtant gérer un groupe de musiciens très différents. Mortadelle est obnubilé par le progrès mais raciste tandis que le pourtant jeune Cesare est déjà nostalgique des paysages de son enfance.
Au-delà du récit sur la jeunesse, Maltempo est également un voyage en bd. En effet, le dessinateur et scénariste Alfred entamait un voyage en Italie avec Come Prima. La matière était si riche qu’il n’a pu raconter tout en un tome et même deux. Il y aura Senso six ans et Maltempo clôt sa trilogie italienne. Les premières pages muettes sont une promenade nocturne.
Dans des pleines pages ou des grandes cases, on part d’un centre-ville ancien à flanc de montagne vers des immeubles touristiques en construction. La suite montre des paysages ruraux gorgés de soleil où le travail de la coloriste Laurence Croix est remarquable. En regardant, le style des immeubles récents et la Vespa de Mimmo, on comprend également que le récit se passe dans les années 60.
Maltempo, une fin de parcours méditerranéen
Bien que les couleurs soient lumineuses, Maltempo dessine un portrait très sombre de cette région. La région est minée par la pauvreté et l’exploitation comme le prouve une bagarre entre deux enfants. Jouant au patron et à l’ouvrier, le plus grand frappe avec un bâton le « travailleur ». Cette crise économique alimente la mafia qui recrute très jeune. Les relations familiales sont toute aussi violentes. Un ami a été chassés de chez lui par son père depuis trois jours. Un autre reçoit une éducation dure reposant sur le racisme et la haine des pauvres.
Tout n’est pas sinistre dans Maltempo. Alfred montre également la solidarité et la joie de vivre. Des éléments sont proches du fantastique : les chiens suivants Mimmo à distance, un homme nu parcourant les rues avec un cheval en bois. Comme un refrain, on retrouve régulièrement deux enfants jouant dans les rues.
Maltempo est également biographique. Alfred est en effet à moitié italien et, au moment du premier tome, il était retourné vivre en Italie. On comprend alors pourquoi la représentation des paysages paraît si juste. Cependant, cette migration ne donne pas lieu à un documentaire. Alfred a replongé dans les souvenirs d’enfance pour vous narrer son Italie fantasmée. De nombreuses pages muettes mettent en valeur les lieux de son enfance. Il mélange les lieux et les époques mais également les souvenirs précis et l’invention.
Dans Maltempo, Alfed fait le portrait de l’époque de son enfance. L’Italie est divisée entre les souvenirs nauséabonds du fascisme, l’Italie éternelle et la modernisation forcée. Alfred joue également de la musique (de la guitare et du piano), réalise souvent des concerts dessinées et accompagnée en tournée Etienne Daho et Arthur H pour réaliser des journaux de bord. Passionné, il fait exploser son style dans les pages où le groupe répète comme si l’énergie du rock s’infiltrait dans Maltempo.
Édité par Delcourt, Maltempo est la lecture idéale en cette période pluvieuse. A peine ouvert, le livre d’Alfred vous emporte au sud de l’Italie, mais également vous donne la fièvre. Cette poussée de température est d’une part celle d’un riff de rock déchirant le silence, mais également le cri de la jeunesse s’époumonant pour vivre mieux et plus fort que ses parents. C’est court mais quelle puissance !
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