L’horreur est un thème porteur en bd, mais peu de titres s’intéressent aux auteurs derrière les plus glaçantes pages de ce genre. C’est le cas du Dernier jour de Howard Phillips Lovecraft, qui plonge le lecteur dans la psyché d’un géant de l’horreur.
Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft ou la beauté de l’étrange
On ne peut qu’être totalement fan de l’édition de 404 comics qui capte immédiatement l’attention. L’éditeur Nicolas Beaujouan présente ses choix ou début du livre puis, sous le code-barre de la quatrième de couverture, il nous remercie dans la langue des Grands Anciens. Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft est un grand format avec une image très épurée mettant en valeur le style du dessinateur. L’écriture cuivrée sur chaque page de la couverture et le titre compacté sont dignes de l’orfèvrerie. L’effet broché apporte la sensation d’un livre ancien.
Le lecteur est ensuite embarqué par le dessin de Jakub Rebelka. Les formes des visages évoquent les peintres de l’expressionisme viennois. Noyées dans une vague rouge sang, des architectures anciennes émergent. On est dans un rêve et le lecteur le comprend en passant ensuite à la grisaille contemporaine. La question de la représentation se pose également pour le dessinateur et coloriste Jakub Rebelka. Dans les récits de Lovecraft, l’esprit humain peine à percevoir des créatures insaisissables venues du fond des âges. Comment alors les montrer en bd ? La colorisation autour du rouge et du gris se rapproche davantage d’un cauchemar et, sans montrer les monstres, on voit parfois des formes émerger.
Représenter l’inconnu
Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft est un projet original dès sa conception. Pour sa première bd, un auteur français d’essai et de romans crée avec un dessinateur polonais une bande dessinée sur un écrivain américain. Le livre pose aussi la question de la représentation. On manque de sources. En effet, comme le note la quatrième de couverture « personne ne sait à quoi a ressemblé la dernière journée de cet homme qui s’appelait Howard Phillips Lovecraft. » Romuald Giulivo invente donc un personnage fictif ayant assisté à ces derniers moments : Randolph Carter est un personnage de plusieurs nouvelles de Lovecraft. Pour rendre le récit crédible, le scénariste s’est appuyé sur une partie de 100 000 lettres que Lovecraft a rédigé durant sa vie. Davantage que dans ses romans, on y découvre les opinions politiques de l’homme derrière l’auteur, ses peurs, ses préjugés, sa générosité et sa camaraderie.
Refusant le glauque de la fin de vie, le scénariste Romuald Giulivo propose un voyage onirique dès les premières pages. Mourant, Lovecraft rencontre un homme étrange qui le confronte à ses choix d’écrire plutôt que de communiquer, à ses erreurs comme auteur et aux regrets de son mariage raté. En effet, Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraftn’est pas un livre historique mais un moyen de pénétrer dans l’univers de l’auteur du mythe de Cthulhu. On découvre qu’il vient d’une famille névrosée sur trois générations. Lovecraft croise son épouse, Harry Houdini… Conçu comme une pièce de théâtre sous forme de dialogues intérieurs, le récit de Romuald Giulivo mélange des faits réels et des allusions aux œuvre de Lovecraft. Le lecteur ne sait jamais s’il bascule dans le surnaturel ou suit les délire d’un homme sous morphine.
Le dernier jour de Howard Phillips Lovecraft est nouvelle perle à ajouter à la nombreuse liste des ouvrages parus aux éditions 404. Ce livre marque tout d’abord par le dessin de Jakub Rebelka salué par Mike Mignola mais aussi par le texte qui plonge le lecteur dans l’œuvre de Lovecraft et dans ses derniers instants.
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