Les histoires d’amour finissent mal en général chantaient les Rita Mitsouko et bien l’autrice de Fraîche serait sans doute d’accord mais pour une raison différente. Découvrez pourquoi par notre chronique.
La vie en rose…tourne au noir
Dans Fraîche, Pia arrive en 2011 dans son nouveau lycée en terminale et quitte la pesanteur de son ancien lycée privé. Encore vierge, elle se sent en retard et jalouse ceux qui ont une attitude et la maturité. Elle veut vivre comme dans un film avec un mec, des amis cool et des fêtes endiablées. Le lecteur sourit de ses maladresses et de ses attitudes typiques des adolescentes. Personnage central de Fraîche, Pia s’ennuie très vite mais elle est collée à son lit le matin. On retrouve la versatilité quotidienne des tenues. Cœur d’artichaut, elle tombe amoureux de chaque homme qui croise son regard. La jeune femme classe les gens en fonction de leur style car, plus qu’exprimer une identité, il est important d’être inclus dans un groupe cool. Pia étant prête à tout quitte à éviter une amie ancienne. Elle semble proche de son objectif après avoir rencontré un homme charmant et encore mieux s’il est plus âgé et musicien. Elle plonge totalement dans cette histoire d’amour avec cet homme forcément parfait quitte à y perdre son libre-arbitre.
Si, dans Fraîche, Pia semble totalement heureuse le lecteur perçoit les indices d’une oppression au départ discrète puis de plus en plus évidente. Elle fait l’erreur de vouloir se conformer aux normes bourgeoises sans les discuter. Sa mère est fortement influencée par une éducation conservatrice et certains sujets sont tabous. Même s’il y a un conflit des générations, sa mère fait des efforts. La mère lui offre au bout des lèvres d’aller voir le médecin pour obtenir la pilule contraceptive. Pia est obsédée par le sexe mais rêve de trouver le prince charmant et n’a jamais été éduquée au consentement. On peut voir un message dans Fraîche sur la nécessité d’évoquer tous les sujets. Plutôt que de choquer sa famille, elle veut moderniser ses parents.
Une autofiction en bd
Ancienne étudiante de science-Po, Marguerite Boutrolle a tout lâché pour la bande dessinée. Après deux séries sur Instagram, Fraîche est sa première œuvre et elle n’a pas peur des challenges car elle est à la fois scénariste et dessinatrice. Son style peut au premier abord paraître maladroit mais son trait vif sert le récit montrant une relation bancale. Les corps sont toujours en mouvement et les expressions des visages souvent grimaçants. Des gestes simples deviennent érotiques comme manger une glace.
Avec Fraîche, Marguerite Boutrolle écrit de l’autofiction car elle part de certains souvenirs personnels mélangées à des conversations anciennes ou récentes pour construire une histoire entre l’autobiographie et la fiction. Elle retrouve parfaitement la langue des adolescents avec leurs propres expressions mais réutilise les mots du XXIe siècle : seum… Elle arrive à désigner le sexisme au quotidien comme ce professeur qui parlant des tenues provocantes fait une remarque uniquement à une fille. Une discussion montre que les femmes doivent faire très attention à leur relations intimes. La première fois est une étape à franchir mais pour une femme c’est souvent un moment laborieux ou douloureux… où le plaisir entre peu en jeu. Pia s’affirme par cette relation. Le lecteur de 2022 est forcément bien plus attentif aux insultes sexistes et homophobes, pourtant habituelles à l’époque. A l’inverse, la musique est une clé pour se faire des contacts et appréhender son corps.
Éditée La Boîte à bulles, Fraîche n’est pas forcément le meilleur cadeau pour la St-Valentin… Quoique, elle peut devenir la meilleure alarme et un rappel de l’adolescence. En effet, ce livre est le portrait intime d’une fille qui se cherche et veut devenir une femme mais Fraîche montre aussi la face sombre de cet âge tendre.
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