Les films sur la guerre du Vietnam sont très nombreux mais saviez-vous que l’Australie a eu un rôle actif dans ce conflit ? Underground le décrit d’une belle manière entre le cauchemar et la lutte.
Underground ou les sous-sols de la guerre
Underground est la deuxième œuvre de la scénariste, dessinatrice et coloriste Mirranda Burton chez La Boîte à Bulles. Elle part ici en 1965 quand l’Australie en guerre au Vietnam manque de volontaires. Présentant déjà un cadre original, Burton décide de mettre en avant des militants pacifistes ayant lutté contre cet enrôlement.
L’idée d’Underground a germé lors d’un séjour dans une communauté rurale d’artiste près de Melbourne. Elle découvre par Jean McLean l’existence d’un wombat enrôlé. Cette folle idée l’intrigue et on le comprend en voyant son style visuel onirique. Mirranda Burton recourt à un dessin simple, en noir et blanc mais jouant sur le noir dans l’introduction sur les wombats. Pour cela, elle opte pour l’encre avec des tons et des textures ajoutées dans Photoshop ou parfois sur une planche à gratter. On peut penser à Marjane Satrapi par ce mélange entre un trait naïf onirique et un propos politique.
Le portrait de résistants
Underground devient très fort car le livre dessine de multiples portraits à partir de rencontres. Le personnage assurant le lien est Jean McLean, organisatrice du mouvement anti-guerre, Save Our Sons. Elle utilise une grande variété d’action des manifestations à la dissimulation des objecteurs de conscience. Ce groupe est parfois très organisé mais leur maladresse amuse également. Burton croise également la route d’un ancien combattant : Bill Cantwell lui fournit des archives. Il était parti pour sauver son pays et le Vietnam du communisme mais découvre qu’il n’est qu’un pion sans respect dans une guerre absurde. Par son expérience, le lecteur découvre les embuscades, la peur des maladies, le mépris des locaux et l’impossible retour à la normale une fois la campagne finie.
Par une habile construction, un simple mot peut servir de liaison entre ces personnes : Jean McLean annonce qu’elle n’a jamais critiqué les soldats puis le chapitre suivant montre la difficulté de leur vie au Vietnam. Il est donc logique une fois d’aller plus loin ensuite en découvrant la même guerre du côté vietnamien. Habilement, l’autrice ne choisit par une habitante du nord Vietnam mais une fille de militants nationalistes du sud. On la suit après le départ des Australiens du pays.
La guerre oui mais pas seulement
Comme une agréable promenade intellectuelle, le roman graphique Underground est un récit dense abordant de nombreux thèmes. Le contexte de la guerre froide en Asie permet de comprendre l’intervention de l’Australie au Vietnam. On découvre alors la difficulté d’être pacifiste dans l’après-Seconde Guerre mondiale. Au-delà du mépris de départ de la majorité, les militants sont régulièrement arrêtés et surveillés en secret par la police. Mais le mouvement gagne de l’ampleur.
Underground est aussi une critique de la société de consommation qui endort l’esprit critique. De nombreuses pages montrent la propagande de l’État pour la guerre et la difficulté de s’informer à l’époque. Ce combat étant mené par des mères, Mirranda Burton présente la situation inégalitaire des Australiennes à cette époque. Une femme n’a pas le droit de commander d’alcool et avoir une vie active est surprenante. On nie leur idées politiques. Cela ne les empêche pas d’aller très loin dans l’engagement. Jean va seul jusqu’au nord Vietnam. Son voyage fortement encadré est un outil de propagande communiste mais ni l’autrice ni Jean ne semblent s’en rendre compte
Underground est une magnifique ode visuelle au pacifisme face à la guerre du Vietnam. Mirranda Burton ne fait pas la leçon mais explique une situation en passant pendant qu’elle dessine le portrait de femmes et d’hommes en résistance contre un système injuste et violent. Par cette galerie, Underground donne une vision plurielle de ce moment clé de l’histoire mondiale.
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