Touchez l’Excellence du récit d’aventure chez Delcourt

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Oubliez Doctor Strange, le futur de la magie est dans Excellence. Ce premier tome par Brandon Thomas et Khary Randolph crée une image neuve de l’art occulte entre action et afrofuturisme.

Le récit d’un rebelle

La formation dans Excellence

Dans Excellence, la magie existe mais elle n’est pas accessible à tous. Elle se transmet principalement de père en fils par un enseignement long et rigoureux. La magie est donc le secret bien gardé d’une élite qui l’encadre de la formation aux règles morales jusqu’au façonnage des baguettes. Spencer Raymond Dales, héritier d’une longe et puissante famille d’occultistes va enfin intégrer l’Aegis, une société secrète de magiciens noirs. Une fois magicien, Spencer sera le parrain d’un ou d’une humaine et devra veiller à ce que rien de grave ne se produise sans jamais se faire connaître. Les magiciens sont donc la main invisible qui aide des filleuls. En réussissant le test, Spencer réalise enfin les objectifs de son père. Pourtant, il est plus proche de sa grand-mère et tente de suivre ses sages conseils. Mais quand elle tombe malade, il veut la soigner illégalement par magie mais son père refuse pour suivre les règles.

Spencer n’est pas pour autant un héros attachant. Issu d’une des dix lignées de magiciens, il reste un fils de la bourgeoise noire qui veut plus de pouvoir. Ses parents le sermonnent mais on le laisse faire. Ce début est trompeur et l’action s’accélère dans la deuxième partie. Néanmoins, le récit devient parfois difficile à suivre par des dialogues confus.

Excellence, le récit d’un réprouvé

Le père de Spencer est un riche sorcier qui fait tout pour le succès de son fils :  il le nourrit de sorts quand il est bébé puis commence son entraînement dès quatre ans et, un an plus tard, lui fait don d’une baguette venue de ses ancêtres. Mais ses pouvoirs tardent à se manifester et Spencer devient la honte de la famille. Il n’est pas à la hauteur des attentes de son père et ce dernier lui fait bien savoir. Le fils éprouve une intense honte interne qui se transforme en colère au fur et à mesure qu’il grandit sans magie. Débordant de colère et de frustration, sa haine explose provoquant l’apparition de son pouvoir. Mais cette honte est aussi sociale. Plus largement, c’est toute la société des magiciens qui méprise Spencer pour son « handicap ». Le lecteur pense au racisme qui provoque la violence interne et externe des communautés. De plus, les non-méritants et les femmes sont exclus de la magie et le monde est organisé autour d’une société de castes.

Le héros étant noir, Excellence pose la question de la représentation des minorités dans la culture populaire. Le personnage annonce que tous les contes de fées n’étaient pas faits pour lui. Dales se réfère aux garçons dénués de magie mais le lecteur pense forcément aux minorités dans le monde réel. A l’inverse, sa grand-mère lui dit : « Si tu es beau, tu te sens bien, et si tu te sens bien, tu es bon. » D’ailleurs, le dessin stylisé de Khary Randolph en mettant en avant la force et le respect est parfaitement dans ce sujet. Par ses traits très anguleux proche des dessins animés voire des tags, son style rappelle Bitter Root. Excellence se situe également dans une période post-Black Panther qui a profondément modifié la représentation des héros noirs dans la culture populaire : Aaron ressemble à Killmonger et Spencer à Creed.

L'afrofuturisme dans Excellence

Excellence cherche même à créer une autre mythologie en mettant en avant des références nouvelles. Dans les maisons de Dales, on peut voir des peintures de paysages africains et la célèbre toile de Norman Rockwell sur la ségrégation. Un personnage lit Homme invisible, pour qui chantes-tu ? de Ralph Ellison. Brandon Thomas et Khary Randolph poursuivent ainsi le courant de l’afrocentrisme défini dans les années 90. La science-fiction ayant longtemps ignoré les minorités, des artistes ont voulu donner un futur à leur communauté en intégrant des références non-occidentales. Par exemple, la ville est une pyramide flottante

Delcourt propose avec Excellence un récit de formation original. Non seulement, on peut voir un héros noir mais Brandon Thomas et Khary Randolph proposent tout un univers sortant des inspirations occidentales. De plus, il est rare de voir un héros si désagréable par son arrogance. Comme un classique de rap, un break change tout au milieu du track propulsant le récit vers la révolution sociale. On passe de la naissance d’un révolté de la colère, à la formation intellectuelle.

Si notre introduction vous a dérangé, découvrez sur ce lien que JustFocus adore tout de même le magicien de Marvel ainsi qu’une chronique sur le tome deux de Bitter Root.