Taxi ! le monde vu de la banquette arrière

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Quoi de plus révélateur sur un pays que de discuter avec un chauffeur de taxi ? C’est l’étrange proposition de Taxi !, la nouvelle bande dessinée d’Aimée de Jongh après Jours de sable.

Un tour du monde en taxi

A la fois scénariste et dessinatrice, Aimée de Jongh part de ses expériences de voyage dans quatre villes – Los Angeles, Paris, Jakarta et Washington – pour nous confronter à l’humanité. Plutôt qu’un carnet de voyages, elle propose de retranscrire des conversations marquantes avec des chauffeurs de taxis. De plus, l’autrice n’opte pas pour un récit chronologique mais mélange les dates et les lieux. Forcément, cette organisation pousse le lecteur à la comparaison car, aussi éphémères soient-elles, ces conversations sont extrêmement révélatrices. Par le dessin et les paroles, ce sont les différences qui éclatent en premier, notamment les codes culturels nationaux. En France, on part à la chasse au taxi alors qu’à Jakarta les chauffeurs se jettent sur les clients. Les différences touchent également les chauffeurs même si ce sont tous des hommes. Certains sont très bavards voire curieux et d’autres réservent leurs mots pour leurs conversations personnelles. On retrouve la compétition très parisienne entre les vélos et les taxis mais ce sont surtout les stigmates des attentats qui marquent quand l’autrice passe devant le Bataclan.

Mais au fil des pages de Taxi !, une même humanité se fait jour. Cela passe par des détails comme le football notamment le héros national néerlandais Johan Cruijff mais également des échanges plus profonds. Le lecteur découvre différentes perceptions de la mort. Par-delà les différences religieuses, la tolérance semble plus ou moins présente.  Partout, la vie de ces chauffeurs est aujourd’hui plus difficile comme l’arrivée d’Uber à Los Angeles. Taxi brise les stéréotypes en montrant par l’exemple que les migrants se déplacent et sont totalement intégrés. Parfois, la rencontre échoue car à Los Angeles où le conducteur ne décroche ni un sourire ni un mot. D’autre fois, le taxi révèle son histoire personnelle, des doutes professionnelles, des peurs les plus intimes à cette inconnue. La personne sur le siège avant n’est plus un chauffeur mais un être humain.

Une Néerlandaise sur la banquette arrière

Discussions dans Taxi !

Cependant, Taxi ! parle autant du monde que de l’autrice. Cela commence par le principe du livre. En effet, de Jongh ne conduit pas car, comme beaucoup de néerlandais et de néerlandaises elle utilise principalement le vélo dans ses déplacements quotidiens. Même à Los Angeles où elle a vécu plusieurs fois, Aimée de Jongh n’avait pas le permis. Elle semble très bavarde et extravertie si bien que le silence la rend paranoïaque. Sa famille venant d’Indonésie, elle n’hésite pas critiquer le racisme des douaniers américains. C’est aussi elle qui sélectionne les chauffeurs, les thèmes de ce livre et donc dévoile indirectement les sujets qui la touchent. L’autrice est une touche-à-tout. Elle réalise une série quotidienne Snippers (Coloc’ en français) publiée dans des journaux hollandais et suisse, elle est connue en Belgique pour ses albums pour enfants et publie des récits plus adultes en France comme Jours de sable. Dans Taxi !, son trait reprend l’idée du croquis pris sur le vif pour transcrire ces conversations. Le choix du noir et blanc évite au regard de se perdre dans une mosaïque chromatique pour se concentrer sur les sentiments.

Édité par La boîte à bulles, Taxi ! vous emmène aux quatre coins du monde mais surtout à l’intérieur de l’âme humaine. Le lecteur commence par des remarques anecdotiques sur la ville mais rapidement il est passionné par les échanges entre l’autrice et ces inconnus qui, à la fin du trajet, se découvrent bien plus que prévu.

Si vous aimez cette traversée humaine, vous pouvez retrouver des chroniques sur Ma voisine est indonésienne et Tananarive.