Survivrez-vous à l’été cruel ?

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Les deux spécialistes du polar en comics sont de retour. Ed Brubaker et Sean Phillips vous proposent chez Delcourt de passer Un été cruel avec eux. Et si cela chauffe, cela n’a rien à voir avec la canicule.

Un été en famille

Un été cruel commence par un vol

Un été cruel plonge le lecteur en 1988 entre deux générations de truands. D’un côté, le père Teeg Lawless est en plein succès alors qu’il a réussi le plus important vol de sa carrière. D’un autre côté, son fils Ricky de seize ans cherche à suivre sa trace mais avec un succès tout relatif. Il se rend de nuit dans la maison d’un vieux gâteux possédant un magnifique collier en diamant. Mais il se fait repérer par le propriétaire. Ricky le frappe, certain de s’en sortir mais personne n’échappe à son destin pendant l’été cruel. Dans une autre ville, un privé trop bavard et une femme fatale discutent dans un bar. Rien ne semble rassembler ce quatuor mais le hasard et l’amour se charge de les réunir. Ces personnages sont quelques pièces sur un vaste échiquier écrit par Ed Brubaker et dessiné par Sean Phillips.

Un été cruel est, comme son titre le laisse deviner, un récit sombre. Les relations amoureuses sont éphémères et le plus souvent pathétiques. Les hommes ne sont en rien des héros mais des loosers qui ont raté leur chance ou qui commencent très mal leur carrière dans le crime. Personne n’est innocent alors que chacun pense faire le bien. Un vieillard amical se révèle être un voleur égoïste qui trahit ses amis. Tegg pense être un bon père mais il frappe durement son fils. Les contradictions de chacun les conduisent à des impasses car, tel des personnages de tragédie grecque pensant être libres, la fatalité les pousse en fait vers un avenir de plus en plus sombre. Pour payer la caution de son père, le jeune Ricky n’a pas volé n’importe quel vieillard mais Mack le monstre est lié à la mafia. Son père le comprend en sortant de prison et doit rendre un service pour compenser la grave erreur de son fils.

Un long été

Un enfant perdu dans Un été cruel

Après le dense mais court Pulp, le scénariste Ed Brubaker et le dessinateur Sean Phillips reviennent à un format plus long de 300 pages qui évoque leur chef-d’œuvre précédent, Fondu au Noir. Un été cruel se déroule au sein de leur vaste saga Criminal qui compte déjà sept tomes. Ce récit complet en un tome n’est pas une suite mais un hors-série. Comme Sale Week-end, on peut donc lire ce polar sans rien connaître du reste mais le passionné retrouvera des lieux et des personnages : un bar qui sert de base à la mafia locale mais surtout le looser magnifique Teeg Lawless. Les criminels forment une communauté où, si tout le monde se connaît, peu de gens s’aiment ou se font confiance. Même dans l’économie parallèle, les êtres humains se font exploiter par le système. Pour les fans de Criminals, Un été cruel est loin d’être anecdotique mais, mûrie pendant des années par le scénariste, c’est une pierre angulaire de sa saga en remontant aux sources du trauma de Tegg, de Ricky et ses amis.

Plus que sur le crime, le duo Brubaker et Phillips compose une œuvre sur le passé et l’échec. Au début du livre, le vieillard a oublié tout le présent mais se souvient de son passé glorieux de boxeur sous le nom de Mack le Monstre. Il est devenu célèbre dans le Japon de l’après-guerre en devenant le méchant à battre sur les rings de catch par le sentiment antiaméricain. Teeg est passé de voleur à succès à alcoolique bien trop connu pour continuer dans le crime.

Si vous cherchiez un bon polar pour passer vos vacances, Un été cruel est fait pour vous. Le sable et la douceur de l’été sont bien loin des visions de Brubaker et Phillips mais le froid destin enserre ses griffes sur les criminels. Les auteurs offrent aux fans de Criminal un récit majeur remontant aux sources du mal. Le pire c’est qu’on en redemande tant ces artistes nous font pénétrer la profondeur de la psychologie humaine et l’inhumanité de la société.

Vous pouvez retrouver d’autres chroniques liés à ces auteurs avec Pulp et Texas Blood.