Après Charly, Corbeyran propose une nouvelle série chez Delcourt mais cette fois-ci bien ancrée dans le présent puisque Flic à la PJ part du témoignage d’un ancien policier.
Un récit shooté au réel
Flic à la PJ change radicalement du conte historique sorti en juin par le même scénariste. Corbeyran s’appuie sur le récit original de Ludovic Armoët pour composer une série entre témoignage et invention. C’est d’ailleurs Armoët qui est le narrateur. Né à la Réunion, Ludovic a toujours voulu être policier en métropole. Alors qu’il profite de sa retraite, il confie au lecteur comment il a fait pour réaliser son rêve et nous dévoile les enquêtes marquantes de sa carrière. Go Fast ! premier tome de ses mémoires en bande dessinée débute par la description d’une lutte contre un réseau de trafic de drogue.
Gare au virage du Flic à la PJ
Même si ces enquêtes sont anciennes puisqu’Armoët est à la retraite, le scénariste fait le choix de les placer au présent. On n’est donc pas dans un simple documentaire mais dans une œuvre de fiction fortement inspiré du réel. Le début de cette recherche policière est pourtant surprenant. Le chanteur Pierre Perret vient porter plainte à Evry pour le vol de sa voiture. On le reconnaît tout de suite par le talent de Luca Malisan. Le réalisme précis du dessinateur est adapté à l’objectif de cette série. Il est secondé par la coloriste Chiara Zeppegno qui sait tout aussi bien se fondre dans le réalisme exigé. La plainte atterrit sur le bureau de Ludovic, inspecteur expérimenté de la police judiciaire. Six mois plus tard, la police espagnole signale que la voiture se trouve à Malaca. Le vol de la voiture du chanteur populaire va alors lancer le SRPJ de Versailles sur la piste de trafiquants de drogues. Ludovic commence par brusquer un loueur de voitures puis lance son équipe à la chasse aux trafiquants.
Par Flic à la PJ, on pénètre l’intérieur d’une brigade de police. Le lecteur découvre la lenteur de l’enquête. Les filatures sont à la fois plus calmes et plus compliquées que dans la fiction. Non seulement on découvre les techniques d’enquête mais on partage la vie de bureau de Ludovic voire les contraintes du métier comme vider le jerrican d’urine du camion qui sert lors des planques. Les dialogues font partager au lecteur l’argot du policier. Corbeyran et Armoët ne cachent les problèmes. Des collègues semblent peu amènes, dilettantes voire carrément harceleurs. Le travail d’une femme flic dans un milieu machiste est bien montré. Les remarques sur les minorités fusent, ce qui est très perturbant pour le lecteur car ce racisme semble totalement admis.
Un meneur d’hommes
Le récit alterne entre l’enquête et le passé du protagoniste principal. Jeune, Ludovic n’avait qu’une vision fantasmée du travail de policier, nourrie des livres pour enfants puis des polars. Venu d’un milieu populaire, il est devenu un ado viril qui a ravi le cœur d’une fille de la haute. Trente ans plus tard, il travaille en banlieue parisienne. C’est par son point de vue que l’on découvre le travail de policier. Il nous livre en passant des remarques cassantes sur Malaga par exemple. Les textes autour des dialogues laissent penser que le scénariste s’est basé sur des interview de Ludovic Armoët. En effet, au-delà des enquêtes, Flic à la PJ est le portrait d’un homme intègre. Il refuse la corruption et est totalement convaincu du bien-fondé de sa mission et des limites morales. Il est même très dur, manquant de compassion pour un collègue en fauteuil roulant. On est très loin de polars torturés et on verse parfois dans le manichéisme. Pourtant, on saisit parfois les défauts du système.
Avec Flic à la PJ, Delcourt détient une nouvelle série aussi percutant qu’un échange de coups de feu mais également aussi réaliste qu’un documentaire. Elle devrait plaire aux adeptes des récits policiers classiques mais ceux qui désirent de la nouveauté pourraient être en partie frustrés par le conservatisme et le manque de remise en question du personnage principal. La suite de la série rentrera peut-être dans la complexité du statut de policier.
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