Une femme découvre que son mari mène une double vie et décide de s’émanciper par le sexe. Le début d’Itinéraire d’une garce pourrait sembler rabattu mais les autrices proposent une voie nouvelle dans l’érotisme. Suivez notre initiation pour découvrir ce nouveau plaisir littéraire.
Une femme ordinaire se découvre
Itinéraire d’une garce s’ouvre le matin quand une femme de la cinquantaine, Élise, touche la main de son mari pendant qu’il dort encore. L’amour est présent malgré les années de vie commune et la routine. Cependant, tout s’effondre quand elle découvre par un portable que son mari la trompe. Elle le suit à son rendez-vous et trouve la preuve du mensonge en voyant une femme sortir de la chambre. Écœurée, elle n’arrive pas à sortir de son esprit les images de cette femme. La sexualité devient alors pour elle un cauchemar. Ce choc ne marque pourtant pas la fin mais le début d’une nouvelle vie.
En effet, elle refuse de se laisser faire. Plutôt que de chercher la confrontation avec son époux, elle se questionne : quels sont ses désirs ? Est-elle toujours désirable alors que son homme a besoin d’aller voir ailleurs ? Pendant des années, Élise a été une épouse et une mère. Bien qu’ayant un métier important dans l’édition, elle semble très soumise à son mari. Elle continue à s’inquiéter pour sa fille en particulier sur sa vie amoureuse et manque de confiance dans ce rôle maternel, étant persuadé que son mari fait mieux. Cependant, elle se redécouvre femme faisant de ce récit complet un ouvrage érotico-féministe.
Itinéraire d’une garce devient un conte initiatique personnel. Élise découvre le plaisir personnel. La sensualité devient une quête quotidienne et omniprésente. Par ces recherches sur soi, elle devient désirante pour les autres et découvre de nouveaux plaisirs sans son mari. Même si les images sont explicites, elles sont aussi symboliques comme cette serrure trop vieille pour fonctionner.
Chercher le plaisir en soi
Contrairement à de nombreux récits érotiques, Élise n’a pas besoin des hommes pour se découvrir. Elle commence par changer son rapport à son propre corps puis se fait plaisir en solitaire avant de séduire différents hommes. Elle réalise alors que le désir est présent aussi bien dans un dessert que dans un sexe masculin ou féminin. Cette ouverture sexuelle s’accompagne d’une vision plus tolérante de la différence.
Itinéraire d’une garce est réalisée par deux autrice. La scénariste Céline Tran a confié la réalisation des dessins à Grazia La Padula. La colorisation à l’aquarelle est une invitation au toucher et à la découverte des matières. Chaque chapitre s’ouvre par une pleine page sans encrage qui amplifie cette sensualité visuelle. Même si elle présente des corps très différents, Grazia La Padula rend chaque personnage magnifique. Elle réussit à rendre les scènes intimes charnelles tout en évitant la vulgarité. Ces belles pages alternent avec des textes de poésie extraits du journal intime d’Élise qui scandent les différentes étapes de la recherche sentimentales d’Élise. Itinéraire d’une garce s’inscrit dans l’esprit de la collection Porn’Pop également dirigé par Céline Tran chez Glénat : proposer des récits érotiques inclusifs et refusant les clichés patriarcaux. Cela se voit dès la première page dans la très libre définition de garce. Ce terme péjoratif et teinté de misogynie est réapproprié par les femmes dans Itinéraire d’une garce.
Dès l’avant-propos, la scénariste questionne le rapport à la fidélité. Cette norme patriarcale apparaît dans un coin de case par les affiches et les programmes télé. Internet à l’inverse peut être un outil d’empowerment. Élise ne peut envisager de sexualité sans son mari mais la nouvelle de la trahison la pousse à explorer seule et pour son propre plaisir. Céline Tran pointe l’absence de communication dans le couple, comme si plus on se connaît et moins on se parle. Le mari est également un personnage touchant. Il n’est pas un monstre d’égoïsme mais il aime sa femme tout en la trompant.
Céline Tran souligne la peur d’être rejetée même quand on est en couple. Élise n’est plus une femme parfaite Elle est en ménopause et la question de la sexualité après est clairement posée. Pour une femme médecin, ce changement physiologique marquerait la fin de la sexualité alors qu’Itinéraire d’une garce prouve le contraire. On voit ses bourrelets et ses cicatrices mais c’est surtout par son attitude qu’elle se rend désirable. La sexualité n’est pas qu’une question de corps mais aussi une réflexion.
Itinéraire d’une garce est un magnifique quête du plaisir personnel. D’une part, les dessins de Grazia La Padula sont une splendide ode au toucher et à l’aventure. D’autre part, le scénario de Céline Tran réussit la gageure de donner une vision moderne de l’initiation d’une femme au plaisir mais sans aucun moralisme. Le livre propose au final une vision réinventée, plus libre et honnête mais aussi plus forte du couple.
Vous pouvez retrouver sur le site une chronique d’un autre volume de la série Oscuro en Rosa et un titre plus sombre sur la sexualité dans EVEN.