Suivez la guerre en Syrie Jusqu’à Raqqa

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La guerre en Syrie a quitté les premières pages des journaux mais pas la réalité sur le terrain. Avec un conflit si long, comment s’informer sans perdre sa sensibilité ? L’éditeur Delcourt propose une voie inédite :  Jusqu’à Raqqa est le témoignage d’un combattant au tréfond de la violence.

Le récit intime d’un combattant de la liberté

Le combat urbain Jusqu’à Raqqa

Jusqu’à Raqqa est une bd intime adapté du récit d’André Hébert. Ce militant français a mis en pratique ses idées révolutionnaire en rejoignant la guerre contre Daesh. Au départ, il n’est qu’un militant parisien converti à la lutte par l’achat d’un t-shirt du Che. L’échec des mouvements en France le radicalise. De plus, il ressent une frustration professionnelle, ne supportant plus la hiérarchie. En utilisant des réseaux sociaux, il découvre puis contacte la résistance kurde. Une fois en Syrie, André ne cesse de vouloir s’enfoncer de plus en plus dans le pays et d’aller au combat. Ce besoin d’absolu donne le sentiment d’un recherche de martyr. Vers la fin du livre, il admet avoir une relation de dépendance à l’adrénaline procurée par le danger.

Pour faire partager cette expérience et sortir du documentaire, il fallait tout le talent du dessinateur Nicolas Otero. Il nous embarque avec André dès le départ. Son style très réaliste est impressionnant. Il transmet la peur d’être tué à chaque coin de rue. Il sait également recourir à des onomatopées pour montrer le brouhaha de la guerre. Nicolas Otero joue sur la matière de ces onomatopée pour donner l’impression d’un tampon posé sur la ville. Le coloriste 1ver2anes renforce les ambiance angoissantes par une teinte bleu-gris très présente.

Un précis d’une zone de guerre oubliée

Le départ vers l'ailleurs dans Jusqu’à Raqqa

Jusqu’à Raqqa reprend des codes du récit d’initiation. André se réinvente en changeant de cadre géographique. Dans ce nouveau cadre, le militant devient un soldat et ce changement se marque par un changement de nom. Ne parlant pas arabe, le jeune homme est perdu. Le scénariste fait d’ailleurs l’effort de laisser le texte dans cet alphabet. Le lecteur est donc tout aussi perdu que le personnage principal. Le scénariste admet être partial. Avec Jusqu’à Raqqa, le lecteur suit un converti à la révolution populaire kurde. Il ne doute pas du bien-fondé de son camp. Les Kurdes ne commentent aucune bavure et respectent les règles de la guerre. Le lecteur perçoit tout de même l’instrumentalisation des martyrs pour en faire des modèles à suivre.

Jusqu’à Raqqa est donc facile d’accès car tous les faits et les lieux viennent d’un récit personnel : par André le lecteur (re)découvre de Daech et la guerre dans le Kurdistan syrien, le Rojava. L’entraînement du nouveau venu permet de comprendre le fonctionnement décentralisé de cette région autonome. Le quotidien au combat est fait d’attente… et de maladies car les corps occidentaux ne sont pas habitués à l’eau de la région. Il ne cache pas la violence de Daech et l’horreur subie par les civil en particulier les femmes. Sans être gores, des image marquent aussi par la force du texte autour. L’armée du Kurdistan syrien se révèle par les figures héroïques des femmes-soldats que découvre le Français. Cette société paritaire les intègre dans l’armée pour la révolution et la lutte contre le patriarcat. Le dossier en fin de volume complète cette expérience avec une carte, des textes sur les forces démocratiques syriennes et sur le retour en France d’André Hébert.

Jusqu’à Raqqa permet de comprendre le complexe conflit syrien en suivant un Français, un homme comme les autres ayant pourtant un jour choisi de lutter pour ses idées. Le livre ne cherche pas l’objectivité mais délivre une expérience guerrière et politique. Jusqu’à Raqqa montre surtout l’horreur de Daesh martyrisant son peuple.