Sin City, la ville la plus sombre de la bande dessinée, est de retour avec Le grand bain de sang. Ce troisième récit de Frank Miller vous propose une course-poursuite à la recherche d’un cadavre.
L’histoire d’un retour
Comme nous l’indiquons en introduction, Le grand bain de sang est une nouvelle étape dans la description de Sin City,par le scénariste et dessinateur Frank Miller, mais il s’agit de sa première suite. Une femme à se damner, le récit précédent, suivait Dwight McCarthy. Ce minable détective se faisait de l’argent en enquêtant sur des adultères après une rupture douloureuse avec Ava. Le retour de cette femme fatale avait totalement bouleversé le fragile équilibre de Dwight. Il avait accepté de l’aider et replongeait dans cette relation toxique. Il finit même défiguré. Il n’avait pu survivre que grâce au soutien de la communauté des prostitués de la vieille ville, en particulier son ex petite-amie Gail et de la tueuse ninja Miho. Dwight s’était vengé et obtenait même une nouvelle vie en changeant de visage.
Le grand bain de sang reprend donc ce récit, mais il peut facilement se lire sans avoir lu de Sin City. En effet, plusieurs années ont passé. Dwight a quitté Gail et la vieille ville pour emménager avec Shellie dans un quartier plus tranquille. Cette serveuse a quitté un homme violent pour lui. Hélas, Jackie-Boy est de retour avec des amis. Totalement saoûls, ils veulent prendre un dernier verre chez elle sans savoir que Dwight a emménagé. La situation tourne court, car Dwight les chasse avec violence.
Cependant, il s’inquiète et décide de les suivre. La bande de fêtards a la très mauvaise idée de se diriger vers les quartiers chauds. Se croyant tout permis, ces mâles veulent trouver une femme disponible mais oublient les règles de la vieille ville de Sin City. Ils menacent une prostituée et sont donc massacrées par les gardiennes du quartier… sans connaître le véritable nom de Jackie-Boy. Ce meurtre remet en cause l’existence de la communauté de femmes et Dwight va tout faire pour maintenir le statu quo.
Sin City, la vie en communauté
Le grand bain de sang constitue un changement thématique dans Sin City. Le scénario est toujours un récit de vengeance : des femmes décident de faire payer à un groupe d’hommes leur manque de respect. Cependant, la vengeance est exécutée dès le deuxième chapitre et on est ensuite dans l’après : il faut cacher les morts pour sauver un espace de liberté.
Les premiers tomes de Sin City suivaient exclusivement des hommes. Sombres adieux décrivait la chute d’un homme seul refusant toute aide pour préférer la vengeance. Une femme à se damner montrait comment une relation toxique pouvait plonger un homme au fond jusqu’à ce que l’amour et la solidarité d’un groupe lui offrent une deuxième chance. Le grand bain de sang inverse la logique : une personne, Dwight sauve le groupe.
L’action se déroule dans le même quartier qu’Une femme à se damner : la vieille ville de Sin City. Un passant pourrait croire que ce quartier avec des bars, des danseuses et des prostituées est destiné au plaisir des hommes. Cependant, derrière les néons, il est un refuge. Des femmes décident seules de leur vie et des règles de la communauté. La police n’a même pas le droit d’agir car les habitantes disposent de leur milice. Frank Miller rejette alors des stéréotypes du polar sur les femmes victimes des hommes.
Édité par Huginn & Muninn, Le grand bain de sang est un moment clé dans Sin City. Frank Miller reprend le personnage de Dwight au service du collectif de la vieille ville. Il montre ainsi que les marginaux ne sont pas des victimes, mais qu’elles se sont offert un espace autogéré. Le dessinateur est également en pleine maîtrise de son style alors qu’il est à la veille d’un autre changement : l’arrivée de la couleur ou plutôt d’une deuxième teinte après le blanc.
Retrouver Frank Miller sur le site avec un article présentant l’univers de Sin City et la chronique de 300.