De nos jours au Caire, un gardien se rend sur son lieu de travail : les pyramides. Devant une grille, il se trouve face à un égyptien antique, Anoukis, portant un enfant qui lui demande son aide. Qui est-il et comment s’est-il retrouvé à notre époque ? C’est le sujet du premier volume de la nouvelle série de Makyo (Ballade au bout du monde, Jérôme K. Jérôme Bloche), Les deux cœurs de l’Égypte, publié par Delcourt le 25 avril.
Le début d’une saga historique
Par ce prêtre plongé dans le monde contemporain, Makyo nous parle de l’Egypte ancienne et actuelle. Il sort les pyramides du mythe en montrant qu’elles se trouvent aujourd’hui en périphérie du Caire. Anoukis dort dans un bidonville, puis abusé par les gardiens il se fait voler le bébé. Au départ, on est surpris par des conventions peu crédibles – un Égyptien antique qui parle arabe. Il demande aux autres de le croire sans discuter. Qui fait tout cela et pourquoi ? On le découvre peu à peu au fil d’un récit de plus en plus dense.
Un polar historique
Le prêtre ayant été assommé par ses « sauveurs », il sombre dans l’inconscience et permet au lecteur d’accéder à ses souvenirs. Alors qu’avec un voyage temporel, on s’attend à un récit fantastique, la partie égyptienne commence en fait par le meurtre d’un devin très perspicace.On découvre peu à peu les ressorts de ce voyage dans le temps. Le scénario complexe de Makyo est prenant et révèle des intrigues de palais, des conflits religieux et des tensions amoureuses entremêlées. Ce puzzle éparpillé sera peu à peu remis en ordre par une enquête historique.
Une nouvelle ère arrive selon l’astrologue avec la décadence de la civilisation. Le lecteur reste souvent perturbé par cette époque qui lui paraît tellement irrationnelle– un devin si puissant, un enfant qui parle directement au pharaon et avec un riche vocabulaire d’adulte. Le vocabulaire des prêtres est poétiquement mystérieux mais aussi alambiqué. Le lecteur est un peu perdu sans note en bas de page ou lexique en fin de volume.
Les scènes d’action sont assez rares mais le choc de sentiments violents donne de la tension au récit. L’Égyptien qui voyage dans le temps est un archiviste amoureux de la sœur de la reine mais l’amour est impossible pour un prêtre. De plus, un général est aussi fou d’amour de cette princesse. On découvre à la fin pourquoi Anoukis voyage dans le temps et cela révèle le sens ce titre mystérieux – Les deux cœurs de l’Égypte.
Une BD franco-belge classique
Makyo, spécialiste de la bd historique et du polar, est aidé par deux dessinateurs qui ont déjà collaboré avec lui. Alessandro Calore (Je suis Cathare) s’occupe de la période contemporaine et Eugenio Sicomoro (Lumière froide, La Porte au ciel) recrée l’Égypte ancienne. Ces deux dessinateurs italiens ont un style réaliste dans la droite ligne de la bd européenne et une mise en page assez simple. Les visages sont très finement dessinés en particulier les enfants et les femmes. Sicomoro a certainement une formation classique en art. Il a un style plus doux et plus original – sa première page est comme une caméra qui glisse progressivement vers le corps. L’encrage varie cependant complètement d’une page à l’autre sans raison. On peut simplement regretter que les couleurs au crayon soient un peu trop ternes quand on a l’habitude du numérique. Les couleurs d’Emiliano Tanzillo très sombres choquent pour l’Égypte désertique. La reine Tiy apparaît tout de noir vêtue comme un personnage gothique.
La barque des milliers d’années lance donc un nouveau cycle d’un polar historique et fantastique. Makyo, passionné de l’Égypte antique, cherche à montrer comment Akhenaton, pharaon mystérieux a pu créer la première religion monothéiste. Le deuxième volume devrait logiquement se passer à l’époque contemporaine pour sauver cet enfant. Je ne suis pas convaincu qu’on y trouvera autant de mystère.