[Review] Le Singe Jaune, à la recherche du passé sombre de la Belgique

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Vues du centre de Bruxelles

L’équipe qui a réalisé Madame Livingstone nous offre un nouveau récit sur la colonisation. Pieter Goovaerts, un zoologue belge vivant en République démocratique du Congo annonce qu’il a découvert une nouvelle espèce primate, le singe jaune. Paulette Blackman, une journaliste accompagnée d’Anaclet Verschuren, un traducteur métisse partent à la recherche de cette espèce mystérieuse dans la jungle congolaise.

Ce volume de 112 pages scénarisé et dessiné par Barly Baruty – avec Christophe Cassiau -Haurie, est publié chez Glénat depuis le 17 janvier.

 

De superbes pages à l’aquarelle

En tournant les pages, le premier choc est de ressentir un vrai plaisir visuel grâce aux couleurs à l’aquarelle de Baruty. Celles-ci ressortent encore plus par un encrage au feutre fin. On croit même souvent voir le trait de crayon. Cette impression physique de sentir le dessin fait penser aux dernières œuvres d’Hermann.

PlancheA 317590 [Review] Le Singe Jaune, à la recherche du passé sombre de la Belgique
Vues du centre de Bruxelles

De nombreuses fausses-pistes

Ensuite, le récit se lance doucement. Baruty choisit au début du livre de réaliser une BD atmosphérique intensifiée par un cadrage classique avec de nombreuses cases sans action pour créer une atmosphère. Ce choix permet de prendre le temps pour présenter les personnages principaux. Les premières pages semblent nous amener vers une BD politique autour du passé colonial de la Belgique. Le découpage avec un gaufrier très classique est en lien avec ce sujet sérieux. Au fil du récit, on découvre que Le singe jaune est une série d’aventure. Le lecteur suit avec plaisir quatre parcours différents qui se rejoignent en Afrique pour une chasse au trésor zoologique et financier. Paulette Blackman est une journaliste impétueuse. Un ancien colonial forcément alcoolique raconte l’histoire d’un trésor caché. Anaclet Verschuren est un traducteur passionné par l’Afrique mais au passé étrange.

 

La magie africaine rencontre science naturelle en Europe

PlancheS 59118 [Review] Le Singe Jaune, à la recherche du passé sombre de la Belgique
Un cadrage classique sert une narration puissante

Paulette, la Journaliste, représente le scepticisme occidental qui se heurte à la réalité complexe du Congo. Il y a également un lien avec colonisation par des traces comme le chemin de fer en ruine. Si, au départ, cela peut sembler manichéen. Ce n’est heureusement pas un exotisme africain contre le cartésianisme occidental. Anaclet offre une plus subtile passerelle entre ces deux mondes par son origine et son lyrisme. Le récit est cependant peu centré sur le néo-colonialisme actuel. Plus les personnages s’enfoncent dans la jungle et plus le récit s’ancre dans le passé, notamment celui douloureux d’Anaclet. Baruty réalise un superbe travail sur les couleurs de la jungle. Il s’est rendu dans cette réserve naturelle pour faire des recherches visuelles et être réaliste. Le récit s’enfonce dans la sauvagerie et la noirceur de l’être humain à la Fitzcarraldo. Le dessinateur réalise la meilleure partie par les scènes d’action dans la jungle. Le Singe jaune réussit à se métamorphoser en une quête de généalogie personnelle ou une aventure à la Indiana Jones plus qu’un traité politique moralisateur. Le twist final permet de bouleverser avec réussite les repères de départ.

L’éditeur Glénat réalise un superbe travail. La reliure et en particulier le papier sont de qualité. Ils permettent de mettre en valeur le dessin et les couleurs. Le gros plus est un cahier explicatif très bien fait à la fin.

En fermant le volume, le lecteur est heureusement surpris par les différents changements au cours du récit. En creusant le passé colonial de la Belgique, Baruty devient un auteur remarquable. Peut-être que le prochain volume se rapprochera de la situation actuelle tourmentée de la République démocratique du Congo.