Comme son nom l’indique Zombie World vous offre une histoire de morts-vivants mais ce récit en un tome donne une vision différente d’un genre très populaire. Pour le découvrir, suivez cette chronique parsemée de morceaux en décomposition.
Panique au musée
Les premières pages de Zombie World écrites par Mike Mignola perdent les lecteurs autant qu’elles livrent les codes du livre. Un groupe de prêtres dans un paysage désolé semble appeler un démon. Dans un nuage, Azzul Gotha apparaît. Il fait disparaître ces adorateurs ne laissant qu’une tombe surmonté d’un objet précieux. 42 000 plus tard, dans un musée américain, le sarcophage arrive mais tous ceux qui l’approchent ressentent une telle peur qu’ils quittent la pièce. Miss Dean Jeune chercheuse insiste pour l’étudier. Son père étant un riche mécène, elle pense avoir tous les droits. Alors qu’elle touche au but, un quatuor bigarré l’arrête.
Ce sont les héros de ce récit : le major Dawson est un militaire à la retraite, Roman un géant au visage marqué par les combat, Malka Ravenstein une femme très habile avec un révolver, Eustace St John un afro-descendant aveugle. A peine arrivés, ils vont montrer leur domaine de compétence : le surnaturel. Ils luttent contre des momies revenues à la vie. Ce quatre héros sauvent Miss Dean et font comprendre au lecteur l’introduction. Le démon Azzul Gotha qui domine les vers blancs du titre, est revenu à la vie et menace le monde s’il retrouve la plénitude de sa magie noire. En effet, ce prêtre était un voleur, un empoisonneur et homme le plus haï de son époque.
Le lecteur est tout d’abord très impressionné par le fantastique dessin de Pat McEown. Son style est plus proche de la ligne claire que du comics mainstream américain. En effet, le dessinateur veut dans Zombie World rendre hommage à Hergé et Yves Chaland. On peut le voir par les arrière-plans très détaillés et les costumes très classiques des personnages. Cela passe également par la mise en page stricte et les choix narratifs de Pat McEown : l’usage d’onomatopées et de gouttes rayonnant autour du crâne en cas de stress. La coloriste Pamela Rambo, avec ses ruptures franches de ton et les aplats, renforce cette influence européenne. A l’inverse, les visages sont plus proches du comics.
Un Hellboy souriant ?
Zombie World préfigure par de nombreux aspects le chef-d’œuvre de Mike Mignola, le Hellboyverse. En effet, l’équipe fait penser au BPRD, le service de renseignement pour lequel Hellboy travaille. De plus, Zombie World reprend des influences fréquentes de Mignola. Comme dans un pulp, le démon veut épouser une jolie blonde et détruire le monde. On croise dans Zombie World l’ombre de Lovecraft : un démon porte un masque de pieuvre et une créature est couverte d’yeux et de tentacules. Pour un si petit nombre de pages, les rebondissements sont nombreux et les idées se multiplient. Eustace St John peut devenir une femme fantôme. En mélangeant les époques, les artistes créent leur propre univers. Eustace est sapé comme un jazzman des années 40. L’action se déroule dans le Massachusetts mais la police a une tenue nazie et conduit des voitures étranges, l’Isetta venue d’Italie.
Les trois épisodes de Zombie World se distinguent cependant de la diabolique série de Mignola par la place très présente de l’humour. Le démon n’arrive pas à faire pousser un ananas diabolique. Dans les premières pages, ce ton léger passe par le dessin : l’opposition entre les visages terrifiés des archéologues et l’attitude blasée des aventuriers de l’étrange. Selon la postface de Mike Mignola, cet ajout déterminant vient du dessinateur Pat McEown. Il a défini les noms, l’apparence des personnages et écrit un tiers des dialogues.
Une édition diaboliquement belle
La sortie de Zombie World, Le Champion des vers marque les 25 ans d’une œuvre devenue culte mais surtout la première en couleurs dans une édition grand format. Zombie World était épuisé depuis 24 ans mais l’éditeur tenait à la ressusciter. Comme toujours avec 404 comics, l’édition est remarquable. Le fan de cette maison de qualité retrouve ses habitudes avec la description très drôle du papier choisi au début et les remerciements à la fin mais dans une langue démoniaque cette fois-ci. Si les couvertures de chaque épisode sont de Mignola ainsi que la première page, c’est Pat McEown qui nous gratifie de bonus sur la création des personnages et se charge de l’introduction parodiant les livres d’horreur en particulier Lovecraft. Ces quelques lignes montrent que l’humour noir vient de lui. Il laisse son compère conclure en postface
Zombie World, Le Champion des vers est le retour bienvenu d’un récit trop rare de Mike Mignola. Mais c’est aussi une belle découverte du dessinateur trop rare Pat McEown. Bien que (trop) court, le récit a laissé des traces puisque Robert Kirkman, créateur de Walking Dead, signale qu’elle l’a inspiré pour créer sa propre série de morts-vivants.
Retrouvez sur le site ces chroniques sur les comics Walking Dead ainsi que sur L’homme à tête de vis, un autre récit de Mignola.