Panini Comics réédite dans deux magnifiques volumes les Ultimates. Créée par le génial Mark Millar entre 2002 et 2006 , la série modernise l’équipe des Avengers apparue pour la première fois en 1963. Le scénariste se nourrit de 40 ans d’histoire Marvel et de l’histoire présente (11 septembre, guerre en Irak) pour poser les fondations d’une nouvelle équipe en proie aux doutes de son temps. Une œuvre forte qui a servi de socle aux films du M.C.U.
Superhumains Year One
L’apparition d’êtres dotés de pouvoirs surhumains bouscule l’ordre international. Afin de les contrôler, le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique charge le shield de constituer une équipe. Sa mission : protéger le pays et la terre des menaces extra-terrestres et surhumaines. Mais chacun de ces nouveau héros à ses failles : alcoolisme, violence, dédoublement de personnalité. Très vite le gouvernement doit gérer les dégâts collatéraux et sacrifier certains de ses membres sur l’autel de l’opinion publique.
Or ce que l’équipe ignore c’est qu’un traitre s’est glissé dans leur rang tandis que Loki, Dieu du mensonge, agit dans l’ombre. Et pour couronner le tout, le gouvernement étatsunien choisit de transformer les Ultimates en police mondiale dans le but d’éradiquer les menaces potentielles. Une décision qui fracture l’équipe et qui soude, dans le reste du monde, leurs ennemis. Serait-il temps pour les Ultimates de voler de leur propres ailes et de devenir les Avengers ?
Les Ultimates : derrière la cuirasse, l’humain
Mark Millar et ses dessinateurs construisent une saga à échelle d’homme et de femme qui portent en eux un traumatisme caché. Pour Steve Rogers, c’est celui du déracinement et de l’adaptation dans un monde qu’il ne reconnaît pas. Hank Pym doit composer avec sa violence. Janet Pym vit le calvaire des femmes battues. Bruce Banner doit contrôler sa colère et Cliff Barton concilier sa vie d’agent avec celle de père de famille.
Afin de vaincre ces traumatisme, chaque membre des Ultimates s’engage à fond dans sa mission. Sauver les autres pour se sauver les autres. Protéger l’Amérique et le monde pour se protéger de ses propres ombres. Mais leur pouvoir suppose de s’impliquer toujours plus et de risquer à tout moment la chute. Laquelle peut-être aussi rapide que la gloire. Comment ces simples êtres humains vont-ils gérer l’ingratitude de la population ?
Une histoire de l’Amérique des Années Bush
Le récit de Mark Millar est éminemment politique. Il s’appuie sur les Années Bush : le traumatisme du 11 septembre et celui des interventions au Moyen Orient. Ces deux volumes baignent en effet dans un climat de doutes, de méfiance permanente. L’ennemi est moins la puissance étrangère que l’ennemi intérieur, celui qui se glisse parmi la population. Ces agents dormants (à l’image des terroristes islamistes du 11 septembre) traversent la totalité de la saga provoquant suspicion, déception et déchirement.
Les Ultimates interrogent aussi l’interventionnisme américain. En se transformant en police du monde sans autre autorité que celle du président des E.U.A, les Ultimates deviennent agents de l’impérialisme. Ce glissement ne va pas sans heurts entre superhéros ; d’autant plus que plane toujours la crainte que la traque des menaces soit un prétexte à une réorganisation politique du Moyen Orient. D’ailleurs le volume 2 insiste sur les conséquences de ces interventions : la création de nouveaux ennemis entre plus radicaux. Le chaos irakien résultant de l’invasion américaine est une claire inspiration de l’auteur.
The Ultimates : 60 ans de Comics vous contemplent
Mark Millar chevauche plus d’un demi-siècle de comics Marvel pour nous offrir une synthèse sous forme de nouveau départ. En effet toute une génération d’auteurs a, dans le désordre, dessiné un pan de cette mythologie moderne. L’alcoolisme de Tony Stark apparaît dans les années 1970, les violences conjugales de Hank Pym sont évoquées dès 1981. On peut aussi rappeler la résurrection de Steve Rogers, les conflits fraternels entre Loki et Thor ou la dualité de Mister Hulk et Docteur Banner.
La force des Ultimate, c’est de rassembler ses fils dans une même toile, d’y ajouter un soupçon de menace cosmique, d’invasion secrète. La saga ouvre alors une nouvelle page de l’Histoire où Millar développe des personnages longtemps secondaires : Black Widow, Scarlet Witch, Loki. Il donne ainsi un souffle nouveau à une équipe passée de mode en opérant, comme pour les X Men, une « descente sur terre » de ces êtres quasi divins. Son récit devient dès lors le socle pour bâtir un nouveau cycle de légendes.
Le Marvel Cinematic Universe en approche
Cette réédition permet enfin de tisser des liens entre les Comics et le 7ème art. Elle aide en effet les lecteurs, les cinéphiles, à comprendre le rôle central joué par cet arc narratif dans l’adaptation cinématographique des œuvres Marvel. Ce ne sont pas uniquement les deux premiers Avengers qui s’inspirent des Ultimates mais une bonne partie des longs métrages des phases Une et Deux. Voire plus loin, puisque cette influence se retrouve dans les productions Marvel notamment la série des What If ?
Les films reprennent ainsi les décors issus des comics. Des cases entières se retrouvent ainsi transposées sur grand écran. En outre, la ressemblance entre les acteurs et les personnages est telle que l’on a du mal à croire que ce sont les comics qui précèdent les films et non l’inverse. Il y a enfin les nombreuses idées, thématiques dont se sont nourris les scénaristes de Marvel : la bataille de New York, le cas Loki, les divisions.
Les Ultimates forment, pour Marvel, l’un des arcs les plus créatifs et influents de ces 20 dernières années. La série très riche, très référencée, demeure facile d’accès et ravira autant les fins connaisseurs de l’univers que les simples curieux.