Un bar (quand il est ouvert) est un lieu de débat de rencontres de diverses classes sociales, en bref, le microcosme d’un pays. Mais que nous raconteraient les clients s’ils vivaient en Allemagne sous le nazisme ? Voici le projet de Rodolfe et Marcos dans Chez Adolf proposé par Delcourt.
Tournée générale
Le premier tome se déroulait en 1933 au moment où l’inexpérimenté Adolf Hitler, chef d’un jeune parti en pleine ascension, devenait chancelier de la république d’Allemagne. Ayant le même prénom, le propriétaire d’un débit de boisson décide de changer le nom de son établissement qui devient Chez Adolf. Dans ce deuxième tome, les clients fêtent les récents évènements.
En effet, le nouveau gouvernement met en place le projet nazi pour la politique étrangère : retrouver la grandeur du pays en récupérant les terres perdues après la Première Guerre mondiale. Pour l’instant, tout se passe sans un coup de feu. Cependant, le pays se prépare au quotidien à la guerre. Les soldats paradent dans les rues, les habitants doivent occulter leurs fenêtres et se réfugier dans les abris pour un exercice de défense passive. Le jovial patron du bar prend tout cela avec enthousiasme comme lorsqu’il explique comment mettre un masque à gaz.
Pourtant, l’avenir est sombre pour les ennemis du régime. Les opposants sont arrêtés. L’antisémitisme se répand par des petites indications officielles – les juifs ne peuvent sortir pendant les exercices car ils pourraient renseigner l’ennemi – et par des actes de violence – la synagogue est incendiée. Le tome se termine par l’attaque de l’Allemagne en Pologne et la déclaration de guerre de la France et du Royaume-Uni. La Seconde Guerre mondiale commence et elle est célébrée par les collègues professeur de Karl Stieg. Le dessinateur espagnol Ramon Marcos réussit à apporter une grande précision dans la représentation du passé et une certaine douceur dans le trait qui contraste avec le propos évoqué. De la même manière, les couleurs chaudes de Dimitri Fogolin renforcent l’ambiance du livre.
On ferme (l’espoir)
Derrière la joie de certains, l’ambiance en Allemagne est de plus en plus lourde et le bar Chez Adolf est une preuve du basculement de l’Allemagne dans la dictature. Le professeur de littérature Karl Stieg avait jusqu’à présent une attitude très détachée sur ces événement mais peut-il encore longtemps rester sourd face à l’agonie de la démocratie ? Un ami proche, le professeur von Armin, est mort lors d’un accident de voiture qui se révèle être un attentat. Il se lie d’amitié (et plus) avec Hilde, l’amie de von Armin. Cette dernière doute de la version officielle mais ne peut en parler ouvertement même à Karl. En effet, la gestapo les surveille. On ose de moins en moins manifester son opposition de crainte des violences ou des arrestations. Les libertés publiques sont remises en cause, des gens disparaissent alors qu’Hitler installe par la loi une dictature. Au centre du récit, Karl Stieg préfère fuir ces problèmes qui semblent pourtant ne cesser de le retrouver. Il est plus inquiet de son absence d’amis ou de vie sentimentale que de l’incendie de la synagogue. Dans ce tome, sa passivité se heurtera avec fracas à la découverte de la réalité cachée du régime… par des coïncidences un peu trop nombreuses.
Chez adolf présente l’histoire de la montée du nazisme et de la préparation à la guerre mais Rodolphe fait aussi le choix, par le personnage de Karl Stieg, de décrire les réactions d’un homme banal. Pire, manquant de courage, il fait tout pour éviter les problèmes. Alors que depuis des mois, les bars sont fermés, cela fait du bien de voir ce lieu vivant dans ce livre.
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