Alors que, comme chaque été, la foule se presse sur le littoral, méfiez-vous de La fille du quai. Si vous l’apercevez, elle vous emportera avec elle dans la mort… En tous cas, selon le conte d’Alexine et Fabrice Meddour publié par Glénat.
Une légende refait surface
Au XIXe siècle, lors d’un voyage, la calèche d’un bourgeois se fait attaquer. Dans la bousculade qui suit, le véhicule bascule dans la rivière. Le cocher et le père se noient et seul le fils Haurel survit. Il est retrouvé par une tribu de gitans sur le bord de la rivière et il faudra attendre la suite de La fille du quai pour découvrir la véritable cause de l’accident. Tout vient d’une légende circulant dans un village anonyme sur la côte. Une femme traînerait sur les quais et tous les hommes croisant son regard mourraient. Alors que cette légende fait peur aux enfants les adultes n’y croient plus. Pourtant, à huit ans, Haurel la croise sur un marché et en devient amoureux bien qu’il soit le seul à la voir. Les autres villageois prennent peur. Le jeune homme et son père doivent fuir le rivage de toute urgence pour espérer s’en sortir et c’est là que le vol survint.
Pour se conformer à cette légende aquatique, Fabrice Meddour opte pour une colorisation à l’aquarelle mais aussi pour des tons à la fois unis dans une pages et très variés selon les pages. Le marron domine et le lecteur a l’impression de lire un manuscrit vieilli. A l’inverse, le dessin a des influences plus modernes. Pour les visages et la mise en page, on pense à Loisel.
C’est aussi un conte gothique
Alors que la première page donne l’illusion d’un récit historique, La fille du quai est à l’intersection du roman historique et du fantastique. Les gitans qui élèvent Haurel sont marginalisés du XVIIIe au XIXe siècle car ces nomades inquiètent les paysans sédentaires. Ce peuple fait partie prenante de l’histoire européenne mais il est associé à de nombreuses légendes. Les costumes et la plupart des décors sont inspirés du XVIIe siècle mais une ville semble flotter puis Haurel danse sur le toit des maisons sans jamais toucher le sol. Mais cette magie n’est pas un gadget car chaque événement surprenant trouve au fil des pages une explication.
La fille du quai est également un conte sur la passion sexuelle. Des humains se métamorphosent sous l’effet de l’excitation. Une beauté surnaturelle vient s’unir avec un homme. Si ces éléments de l’histoire peuvent vous paraître très érotique, Fabrice Meddour n’est jamais vulgaire. Il choisit d’alterner entre la suggestion de relations consenties et la violence d’un abus sexuel. Le scénario d’Alexine et Fabrice Meddour composent un récit sombre. Haurel est tellement épris qu’il néglige tout le reste. Il quitte sa famille d’adoption et risque de perdre la vie en rencontrant la fille du quai. Cependant, sa rencontre avec une autre femme Ella le protège un temps. Elle éloigne cette menace du passé mais pourra-t-elle tout le temps le sauver de cette malfaisante apparition ? Haurel reste en effet partagé entre cette femme venue de son passé et sa vie de famille actuelle. Non seulement cette fille du quai perturbe la vie d’Haurel mais elle ruine aussi la vie de tous ses proches. De son père à sa fiancée, tous subissent la jalousie du fantôme. Le caractère d’Haurel en est progressivement changé et dans la deuxième partie, Fabrice Meddour fait gicler la violence désarçonnant le lecteur.
La fille du quai est une grande réussite car tel un océan déchainé, le lecteur assiste à une suite de vagues chacune unique : récit historique, images érotiques ou conte sombre se succèdent. Sans tout dévoiler, Alexine et Fabrice Meddour composent un totale réinterprétation d’une créature mythologique.
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