Et si le monde de Tolkien se déroulait durant la Première Guerre mondiale ? Voici la proposition de l’univers d’Arrowsmith. Sortez vos armes et vos dragons pour vous préparer à la lecture de notre chronique.
Des canons et des dragons
Durant une Première Guerre mondiale uchronique, Fletcher Arrowsmith, paysan américain. La première mini-série d’Arrowsmith décrivait le parcours d’un idéaliste rêvant d’aventures guerrières à un soldat expérimenté mais désabusé. Fletcher Arrowsmith avait découvert la violence, la mort de proches et surtout la froideur de son état-major prêt à briser toutes les règles morales pour gagner la guerre. Ces expériences l’ont changé. Refusant d’abandonner ses frères d’armes, il prolonge son service militaire et, malgré les difficultés, il s’est habitué au quotidien de la caserne. Il faut dire qu’il n’est pas un poilu, mais un pilote dans l’Unité d’Élite Aérienne. Par sa connaissance, il est même promu chef d’équipe et envoyé en mission secrète derrière les lignes ennemis. On découvre un nouveau champ de combat pour une mission d’espionnage. Associé dans cette guerre secrète à un agent expérimenté, Fletcher réalise qu’il conserve des limites morales qu’il croyait avoir perdues. Le scénario de Kurt Buziek est très malin car on assiste d’abord à un échec militaire et Fletcher est fait prisonnier avant de comprendre que tout était prévu.
Si le premier tome s’intéressait à la découverte de la guerre, Derrière les lignes ennemies se concentre sur la magie. La magie est définie comme un rapport à la terre. Un individu possède un don magique spécifique selon son lieu de naissance et sa lignée. On apprend la magie par la rencontre avec des personnes plus instruites mais aussi dans les rêves. Cependant, la magie n’est pas acceptée par tous, car des chrétiens puritains s’y opposent. La relation de Fletcher avec son jeune dragon Hilda est décrite avec douceur comme un chevalier avec sa monture. Il part d’ailleurs pour sauver une princesse. On peut le voir dans les magnifiques cases de Carlos Pacheco. Sans aucun gadget visuel, il me permet d’imaginer un univers très riche. La mise en page est classique mais la lecture est très fluide.
Une heroic fantasy historique
Ceux qui ont vu des films sur les guerres mondiales retrouveront dans Arrowsmith des lieux communs : les Allemands sont brutaux et prétentieux, des femmes esseulées sont prêtes à s’offrir à un inconnu. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les éléments historiques sont très nombreux. Des personnages réels sont cités : Charlemagne ou Barberousse. Même visuellement, le baron noir allemand correspond à l’as allemand de l’aviation Manfred von Richthofen alias le baron rouge. Si les noms des régions ne sont pas contemporains de la Première Guerre mondiale, ces toponymes ont bien existé à des époques précédentes, souvent au moyen âge. Ces rappels au passé permettent aussi de critiquer la construction d’un roman national éloigné de la réalité historique.
On voit les zones de combat du ciel et la vie des fantassins est évoquée. L’engagement tardif des Etats-Unis et son rôle espérée dans la victoire sont cités. En effet, bloqués dans les tranchées, chaque camp cherche des solutions pour percer. Dans le tome précédent, c’était la recherche d’armes nouvelles et ici, la possibilité de nouer de nouvelles alliances. Pourtant, le rôle ambigu des pays neutres est montré par les trolls. La guerre peut être un moment d’ascension sociale pour des marginaux et un moment de croissance économique pour certains secteurs. Le rôle de l’arrière par les usines de guerre apparaît dans un dialogue et la disparition des lois sociales est soulignée. On suit une permission par le séjour de Fletcher à Londres. En voyant des affiches de propagande de l’Axe, Fletcher comprend que les arguments sont exactement les mêmes dans les deux camps. Il découvre la faim (en raison du blocus britannique dans notre réalité) et l’exploitation de certains groupes (des civils des régions occupés par les Allemands). Dans le stalag, son sort comme officier diffère de celui des hommes de troupe y compris en prison. Les Allemands gardent une vision très aristocratique de l’état-major.
Édité par Delcourt, Derrière les lignes ennemies prolonge l’univers passionnant Arrowsmith en proposant une mission d’espionnage. Fletcher est de nouveau un néophyte qui découvre la réalité de la guerre et qui voit davantage ses rêves moraux s’effondrer.
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