Les îles britannique sont menacées. Par la covid ? Par le Brexit ? Nenni mais par le retour des héros des contes médiévaux. C’est le récit d’aventure Once & Future en trois volumes que vous proposent Delcourt par Kieron Gillen au scénario et Dan Mora aux dessins. Prenez votre armure et suivez-nous dans cette chronique.
Tous contre Arthur !
Dans le tome précédent de Once & Future, la paisible grand-mère Bridgette McGuire a révélé une lourde vérité à Duncan son petit-fils un peu nigaud. Les contes médiévaux ne sont pas nés de l’imagination mais ils peuvent se révéler très réels et même dangereux quand ils franchissent la porte de l’Autre Monde. Pire, le roi Arthur n’est pas un héros mais une menace. Ensemble, les McGuire l’ont empêché de récupérer le Graal mais cela a fait venir de nouvelles légendes sur Terre. Duncan a beaucoup de mal à se faire à sa nouvelle vie. Il se fâche avec sa grand-mère alors qu’il a besoin d’elle pour comprendre ce monde magique. Mais, Bridgette a un tel caractère qu’on peut le comprendre. La sagesse est censée venir avec l’âge mais elle ne met jamais les forme quand elle critique Rose devant son petit-fils. En une seconde, elle passe d’une chasseuse aguerrie de monstres folkloriques à une téléspectatrice critique du Meilleur pâtissier. Elle dérive sur ce qui semble des détails : des bougies qui sentent le bois de santal par exemple. Bridgette est censée être une spécialiste de la magie mais ses explications manquent de cohérence. Elle est perdue par la tournure inhabituelle des événements, et utilise surtout son flingue et donc le lecteur pense parfois à une Eastwood en robe longue. Cette grand-mère très amusante par ses paroles apporte la touche d’humour du récit. Le duo fonctionne très bien avec un Duncan aventureux mais aussi naïf. Le jeune homme fait bien plus confiance à sa petite-amie Rose qui est une magicienne. Mais est-elle si fiable ? Bridgette en doute et Duncan devient l’enjeu de tensions entre ces deux femmes.
Un nouveau mythe
Once & Future est donc une réinterprétation du mythe Arthurien mais rassurez-vous une petite présentation des personnages en fin de volume vous aide à comprendre ces contes parfois peu connus. En effet, les personnages des mythes existent… si on y croit assez fort. Cependant, héros ou ennemis dans l’imaginaire, ils deviennent démoniaques dans la réalité. Merlin n’est pas le sage professeur et conseiller du roi mais un manipulateur avide de puissance ressemblant à la mort. Projetés dans le monde actuel, ces personnages fictifs doivent tout de même suivre la destinée. On peut se demander si faire d’Arthur une incarnation du mal n’est pas aussi politique, ce qui est radical pour un scénariste du Royaume-Uni. Gillen fait aussi le lien avec des récits plus récents quand Galaad s’assoit sur un trône ressemblant au siège de Game of Thrones. Au fil des péripéties, Kieron Gillen démontre que la lecture rend plus fort mais elle peut également mettre en danger. Il s’amuse avec les récits médiévaux : Beowulf parle en rime car ce personnage vient d’un poème.
Le roi Mora
Le rythme ne faiblit pas dans ce deuxième volume et cette tension est permise par un splendide dessin. En effet, Dan Mora est le grand atout de Once & Future. Son trait épuré est très moderne et diaboliquement maîtrisé. On pense à Greg Capullo dans Batman. Ses pages glorifient les héros tout en rendant l’ennemi inquiétant. Quand Grendel attaque la maison de retraite, le sang coule en formant des mares mêlées d’os. Mora sait très bien gérer les différences de rythme entre des pages de dialogues enrichissant le fond et de magnifiques scènes d’action : un accident de voiture est non seulement impressionnant mais semble se dérouler au ralenti par le recours à de grandes cases rectangulaires. Les couleurs de Tamra Bonvillain sont très modernes par des contrastes très forts entre le noir très présent et des couleurs presque fluo.
Once & Future est un récit jubilatoire par l’action incessante. Bridgette fait rire le lecteur mais c’est aussi le cas de Merlin buvant toute la journée, qui a des paroles pour le moins brumeuses. Ce brillant récit métatextuel est également un éloge de contes. Dan Mora met le feu à ses pages par des dessins incroyable de dynamisme et de puissance. On sent qu’il prend plaisir à dessiner ces héros mythiques et à faire gicler le sang sur les yeux des lecteurs. Sans lui, la quête aurait été bien différente…
Cette série est publiée aux États-Unis par Boom Studios !, le label qui monte. Vous pouvez d’ailleurs retrouvez nos chroniques sur Alienated et Coda.