Ne récupérez jamais le Silver Coin, une pièce diabolique

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En ce temps d’inflation, l’argent se fait rare mais, dans le premier tome du Silver Coin, il vaut mieux éviter de le toucher. Découvrez comment dans notre chronique.

Une pièce maudite

Le rock maudit dans Silver Coin
Perdre son âme dans la musique dans Silver Coin

Les séries anthologiques sont une particularité de l’horreur. Nous vous avions déjà parlé d’Ice Cream Man également publié par Huginn & Muninn. On retrouve également une technique narrative bien connue dans le cinéma : le MacGuffin détaillé par Alfred Hitchcock où un objet est un prétexte au développement d’une histoire. Dans Silver Coin, il s’agit d’une mystérieuse pièce d’argent transmise de main en main au cours des siècles.

Au fil des cinq nouvelles horrifiques, le lecteur voyage donc dans le temps et dans l’espace. On passe d’un passé reculé au futur le plus lointain sans ordre chronologique. La première nouvelle se déroule au début des années 1970, quand le disco ringardise le rock. Un guitariste habité par la passion de la musique enrage d’être mis de côté par cette musique sans âme. Par hasard, il trouve une pièce et l’utilise comme médiator. Sa musique prend alors une ampleur nouvelle. La deuxième se passe dans les années 1990 où une jeune ado fan d’horreur se retrouve dans un camp de vacances. Dans Râle d’agonie, trois cambrioleurs dans les années 1980 auraient mieux faire de choisir une autre maison. Comme son titre l’indique, 2467 mélange la dystopie et le gore. Silver Coin nous voyage également dans l’espace entre les petites villes, une colonie de vacances. Cependant, derrière ces changements, on trouve à plusieurs reprises une maison où la dernière nouvelle apportera une réponse sur l’origine de ce mal.

Silver Coin retrouve les codes de l’horreur. La pièce n’est pas juste un objet mais un œil qui se nourrit du sang de son propriétaire. La posséder impose une contrepartie systématiquement dramatique. Comme dans Blue in Green, un musicien signe un pacte pour obtenir la gloire. Dans les bois, des jeunes se racontent des histoires pour se faire peur.

Le mal profite des faiblesses humaines. Le guitariste Ryan cherche la gloire pour dépasser sa triste situation familiale : son père est en dépression depuis que son épouse est partie sans donner de nouvelle. Se retrouvant dans un cadre différent de son quotidien, Fiona manque de confiance en elle. Cependant, la plupart des épisodes jouent sur l’action plus que sur l’angoisse. Les images sont explicitement violentes. Le sang gicle avec tous les instruments possibles de la hache à la pierre.

Les cinq doigts ensanglantés de l’horreur

Les origines du Silver Coin
Religion et Silver Coin

Dans les comics, il est très fréquent que les dessinateurs changent alors que le scénariste reste. En effet, le dessin étant plus long à réaliser, certains artistes font des pauses régulières dans le rythme harassant des sorties mensuelles. Silver Coin se distingue par la rotation des scénaristes. Le dessinateur, Michael Walsh, reste et le scénariste qui passe apporte sa marque au récit. Son style très sombre se fond parfaitement dans le genre horrifique. Sa manière vive mais précise de représenter les expression peut évoquer Sean Phillips. Avec la coloriste Toni Marie Griffin, il définit une ambiance sombre et sanglant.

Michael Walsh a créé le concept et écrit Pacte, la dernière nouvelle de ce volume. S’étant fait remarquer sur Star Warset Justice League/Black Hammer, il a pu faire appel à d’anciens collaborateurs. On trouve donc dans le premier tome de Silver Coin l’élite des scénaristes de comics. Scénariste montant chez Marvel et DC, Chip Zdarsky écrit le premier récit, Le ticket en mêlant le rock et l’horreur. La scénariste Kelly Thompson a imprimé sa marque sur la série Captain Marvel et rédige ici Les filles de l’été. Elle profite du genre horrifique pour dénoncer le harcèlement des adolescentes jugées différentes. Auteur caméléon pour de multiples compagnies, Ed Brisson propose le récit le plus gore et inquiétant. Il part d’un fait médical pour ensuite décrire la fuite très rythmée d’une cambrioleuse. Dépassant le cadre d’une nouvelle isolée, il établit des liens entre les épisodes car la pièce quitte le dernier propriétaire de la première nouvelle. Cette pièce peut désormais parler à son possesseur et le manipuler. Bien que Canadien, Jeff Lemire est la star de l’indé aux Etats-Unis avec des séries comme Sweet Tooth. Il nous plonge dans le futur avec 2467 et sait proposer des idées neuves (un œil cybernétique devient une clé usb pour pirater un compte bancaire).

Même si le dessinateur reste, les quatre nouvelles de Silver Coin sont inégales elles proposent un voyage dans le temps et le sombre fond de l’âme humaine. Ce livre est également une porte ouverte pour découvrir de nouveaux scénaristes. Le lecteur ayant apprécié la nouvelle pourra chercher d’autres œuvres de ces scénaristes reconnus. Les deux dernières nouvelles proposent d’ailleurs un mythologie commune. Cet univers plus large sera peut-être développé dans le deuxième tome.

D’autres articles sur les bd d’horreur sur le site avec Juni Ito et Bibliomania.