En ces périodes de fête, rien de tel qu’un bon bouquin pour vous aider à digérer au coin du feu. C’est justement un livre sur les retrouvailles familiales que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui avec Les Lisières, publié en 2012 par Olivier Adam chez Flammarion.
Les Lisières
Depuis toujours, Paul Steiner, le héros des Lisières, écrivain et scénariste, ne peut s’empêcher de fuir. Très jeune déjà, il s’est échappé de cette banlieue grise où il a grandi, puis de Paris, où il a pourtant rencontré sa femme et sympathisé avec le bonheur. Outre les lieux, ce sont aussi les gens qu’il a fui : d’abord sa famille, puis ses amis, son travail, et son milieu, et surtout, il s’est un peu « enfui » de lui-même, son mal-être, ce qu’il nomme intimement sa « Maladie ». Mais lorsqu’il a quarante ans, son passé finit par le rattraper ; c’est à contrecœur qu’il doit retourner sur les terres de son enfance pour un voyage au pays des souvenirs. Ce retour en arrière tombe à pic : son couple s’est brisé, sa femme s’est lassée, ses enfants lui manquent cruellement, et alors que sa mère vacille à cause de la maladie et la vieillesse, son père se rapproche de plus en plus des idées de l’extrême-droite.
Comprendre l’enfance
Ce retour aux sources donne l’occasion à Paul de chercher auprès de ses parents, de ses amis et de toutes les personnes qu’il a délaissées derrière lui, les clés qui lui permettront de comprendre sa vie d’adulte. Le narrateur se considère comme en lisière d’une société qu’il ne reconnait plus. Un parallèle rapidement établit entre l’auteur et son héros pousse le lecteur à se demander où s’arrête la fiction et où commence l’autobiographie. On retrouve d’ailleurs des thèmes propres à l’écriture d’Olivier Adam notamment la souffrance, la perte, la famille, entre autres.
Mais en parlant de lui, c’est surtout de nous tous qu’il parle, les rapports avec les parents, la France dans laquelle nous vivons avec ses problèmes en banlieue, la montée en puissance du racisme, les oppositions qui se creusent entre les différentes classes sociales… Des thématiques à la fois simples et intemporelles.
Un point sur l’auteur
Si son nom ne vous dit rien, Olivier Adam a pourtant déjà publié 10 romans qui ont tous connu un très grand succès. Le premier paraît en 2000. Intitulé Je vais bien, ne t’en fais pas, il permet à son auteur d’obtenir rapidement la reconnaissance de la critique. Il se voit d’ailleurs porté à l’écran six ans plus tard par Philippe Lioret ; Olivier Adam est coscénariste et Kad Merad rafle le César du meilleur second rôle masculin alors que Mélanie Laurent reçoit celui du Meilleur espoir féminin.
La plupart de ses romans ont d’ailleurs été portés à l’écran : Poids léger a été adapté en film en 2004 par Jean-Pierre Améris avec Nicolas Duvauchelle et Bernard Campan, Des vents contraires par Jalil Lespert (dont il est également coscénariste), sorti en décembre 2011, avec notamment Benoît Magimel, Marie-Ange Casta et Audrey Tautou. Mais il n’est pas pour autant un écrivain qui publie pour le cinéma, son travail est reconnu puisqu’en 2004, il obtient le Goncourt de la nouvelle pour son recueil Passer l’hiver et il est nommé chevalier des arts et des lettres en 2013.
Pourquoi faut-il lire Olivier Adam?
L’ensemble de son œuvre oscille entre littérature et sociologie, avec une peinture réaliste de personnages en proie à des crises identitaires, évoluant dans des milieux ordinaires de la classe moyenne. Il aborde d’ailleurs dans Les Lisières le débat provoqué par le scénario de Welcome, dont l’héroïne est une sans-papier kurde, et qui avait déclenché à l’époque de vives réactions d’Éric Besson, alors ministre de l’Immigration.
Des sujets très actuels donc qui permettent aux lecteurs de se retrouver immédiatement dans les personnages. C’est souvent la rupture des individus avec leur milieu d’origine qui inspire leurs caractères. Il faut savoir qu’Olivier Adam a également connu un succès fulgurant grâce aux livres jeunesse qu’il a publiés.
Enfin, si l’on se tourne si souvent vers la grande bibliothèque du monde pour y piocher de nouveaux livres, rares sont les ouvrages qui nous touchent à plein cœur. L’écriture d’Olivier Adam est profonde et pudique, il entraîne son lecteur dans un livre magistral à l’aide d’un (anti?) héros attachant car émouvant, qui malgré ses errances et ses erreurs, nous est proche lorsqu’il souffre, lorsqu’il se justifie, lorsqu’il aime et même lorsqu’il désespère. L’exil intérieur décrit par Olivier Adam chamboule forcément le lecteur qui se reconnaît dans l’authenticité de ce type d’écrit. Un vrai coup de coeur à découvrir !
« Aussi loin que me portaient mes souvenirs me revenait ce sentiment de ne pas habiter ma propre vie et de regarder celles des autres comme si elles m’attendaient. J’avais l’impression qu’il serait alors aisé de m’y fondre, de m’y couler. N’importe quelle vie. Coulant dans n’importe quel sens. J’avais l’impression que tout était plus réel, plus solide, moins équivoque, moins friable, moins incertain. »
crédit image : bricabook – couverture de l’édition J’ai Lu