Aujourd’hui on ne parle pas grande littérature du siècle dernier parce qu’on a une actu pas périmey à vous faire passey. IOLO (comprendre YOLO) est le prochain titre à succès du monde littéraire, conçu par Les Boloss des Belles Lettres.
Les Boloss des Belles Lettres
Ce sont eux, les bogoss des livres de ta grand-mère qui prennent la poussière sur l’étagère, qui ont fait l’annonce de l’année pour le sacro-saint milieu intellectuel par excellence (celui des écrivains) : ILS VONT ÊTRE PUBLIÉS.
Et pas dans une maison de seconde zone qui publie des livres pour mettre dans tes toilettes ni dans la salle d’attente de ton médecin que tu vas voir une fois tous les deux ans. Non Cher Lecteur. Ce livre sera publié par Les Belles Lettres, une maison d’habitude spécialisée dans « les Humanités » (soit des publications sur l’antiquité, les personnages politiques, les arts, les sciences et tout un tas de trucs d’intello à lunettes). Le coup porté est donc fort. A vous de le recevoir comme il se doit.
La date de parution n’est pas encore annoncée, mais vous pouvez vous inscrire sur le site de la maison d’édition pour savoir quand vous pourrez enfin parler littérature avec des boloss.
Pour l’occasion, l’éternelle petite chouette toute sage qui trône sur les couvertures de la maison est sans dessus dessous.
Revisiter les grands classiques
On ne va pas se mentir, pour les puristes cette annonce a de quoi en faire tomber plus d’un de sa chaise. Ce serait comme proposer un café bas de gamme à ce bon Georges Clooney, ce serait plus what the fuck que What Else.
Pourtant, il faut le reconnaître, Les Boloss des Belles Lettres, Quentin Leclerc et Michel Pimpant, sont de sacrés petits génies. Choisir un acteur dans la force de l’âge comme Jean Rochefort connu comme un monument du cinéma classique français, était un parti pris assez dangereux qui a cartonné. Le succès ne se fait pas attendre dès la première vidéo parue l’an dernier sur le web avec la réinterprétation de Madame Bovary de Gustave Flaubert.
Cette fois on nous propose Le Petit Prince d’Antoine de St Exupéry et c’est toujours aussi bon. Cette saveur de connaître un classique, de l’aimer et de le trouver retourné, coupé en petits morceaux, privé de sa poésie. Ca pourrait nous faire pleurer, mais ces interprétations sont bien trop drôles pour ne pas vouloir les partager.
On sait que c’est du bluff, que Jean Rochefort, il les aime ces classiques, mais on doit lui reconnaître une interprétation sans faute.
D’ailleurs, les Boloss ne sont pas les seuls à surfer sur cette vague qui enflamme la toile. Nous connaissons tous la page « Besherelle ta mère » qui est devenue culte pour contrer les vrais boloss, mais nous avons aussi entendu récemment le Robert, qui édite des dictionnaires, twitter à propos du langage actuel des jeunes.
On peut aussi mentionner la page « Des Fists et Des Lettres » qui a un public de pas moins de 60 000 personnes et qui diffuse des photos de figures célèbres en prenant soin d’associer leur nom à un jeu de mot scabreux (« Entre fripouilles, on Socrate les couilles », c’est bien sûr !).
L’utilisation du langage
Il est évident que le langage évolue perpétuellement (sans quoi nous serions toujours à grogner et à dessiner des animaux préhistoriques sur des cailloux) mais lorsqu’on en est les témoins, c’est une autre affaire. Il est facile de se rendre compte que les enfants des années 2000 n’abordent pas la communication comme nous autres, nés en 1900. Le langage est un témoin socio-culturel de chaque époque. Bon, certes, une bonne poésie de Rabelais est toujours plus douce à l’oreille qu’un « slam qui déchire » de la part des Boloss, mais il est indéniable que la langue est un thermomètre culturel et social. En effet je ne vous apprends pas que le vocabulaire employé durant par exemple un entretien sera en tous points différents que celui que vous utiliserez en soirée avec des amis alors que vous aurez probablement abusé de tout ce que l’on propose sur le marché de la nuit. CQFD. Le langage est donc un élément dont chacun connait la diversité et qui l’utilise à son gré. Il est malléable, il peut tromper (le mec des RH que vous rencontrerez ne s’imaginera pas, non, qu’en réalité vous ne savez pas épeler la moitié des mots que vous utilisez pour lui dire Ô combien vous êtes incroyable) et l’homme le sait. On peut s’adapter à différent milieux sociaux en adaptant son langage ou précisément choisir de s’en démarquer à l’aide de ce même outil.
C’est donc un outil de communication dont on use et abuse toute la journée sans nécessairement analyser la portée des messages que l’on passe, ni les mots choisis pour le faire, alors qu’ils en disent en réalité bien plus que le message lui-même. Les mots que vous choisissez expriment une volonté de votre part d’apparaître sous un jour particulier.
Soyez donc attentifs, non pas tant à ce que vous dites, mais à la façon dont vous l’annoncez, parce que le vrai message est parfois plus dans le métalangage que dans le langage lui-même (bien que l’un et l’autre soit intrinsèquement liés). D’ailleurs, c’est peut-être ça, La Septième Fonction du Langage dont Laurent Binet nous parle dans son livre. C’est peut-être tout simplement le pouvoir de vulgariser certains sujets non pas pour les dégrader, mais simplement pour les dépoussiérer un peu.
En ce qui concerne Les Boloss des Belles Lettres, ils ont eu l’audace de se démarquer dans un milieu profondément carré, soigneux de la forme parfois plus que du fond (même si Marc Lévy ne fait attention ni à l’un ni l’autre…). Mettre en scène le livre à travers une courte vidéo, c’était également le meilleur moyen de toucher une large cible certes, mais surtout une cible qui était capable de comprendre et le langage utilisé et l’ironie de celui-ci.