Les peuples indigènes des États-Unis n’ont cessé de subir des massacres et des discriminations. Et s’ils se révoltaient en effaçant l’erreur de départ, la colonisation européenne ? Voici le principe d’Earthdivers dont la série arrive au deuxième tome.
La préhistoire de l’Amérique
Le deuxième tome d’Earthdivers rassemble deux récits de taille différente. Le plus long est la suite directe du tome un sur trois chapitres. Les enfants de Martin et Tawny ayant disparu dans le temps, le couple part dans le désert pour les retrouver. Tawny plonge dans la grotte permettant de voyager dans le temps et se retrouve en Floride environ 20 000 avant J.-C. Pour s’en sortir, elle raisonne en historienne. Elle connaît des sites archéologiques. Elle part de ces observations et s’appuie sur ses connaissances sur la forme des côtés et la faune différente. Pour autant, elle a appris des rites indiens dans les films et se compare à Pocahontas.
Quel que soit la période présentée, Stephen Graham Jones décrit un monde violent où règne la loi du plus fort. Les animaux et les autres tribus sont des prédateurs. On tue les autres mais on en fait un exemple aussi : des pièges sont dressées autour du village, des têtes décapitées et des corps empalés.
Tawny se sent fautive d’avoir laissé ses enfants mais ce voyage dans le passé compromet sa réunion de famille. Craignant que toute sa famille ait disparue, elle est en deuil. Au cours de cette chasse, Tawny trouve un orphelin Européen ou solutréen en suivant le nom et la forme des continents de l’époque. Voulant retrouver son rôle de mère, Tawny s’en occupe. Ce geste modifie sa perception du monde.
Le deuxième récit en un chapitre revient dans le futur. On suit la vie de couple de Tawny avec Martin avant qu’ils aient des enfants. Ils cherchent à quitter ces terre contaminée. Cependant, le récit n’est pas chronologique mais montre des flashs à différentes époques : on voit la rencontre avec son amoureux et les naissances de ses enfants. Le propos de l’épisode semble confus.
![La sauvagerie de la préhistoire dans Earthdivers La sauvagerie de la préhistoire dans Earthdivers](https://www.justfocus.fr/wp-content/uploads/2024/07/EarthdiversDeux1.jpeg)
La sauvagerie du continent
Le scénariste Stephen Graham Jones prolonge le thème de la vengeance. En découvrant qu’une population blanche a décimé une tribu locale, Tawny décide de poursuivre les coupables blancs. Ne pouvant améliorer le futur, elle veut purifier le passé et ainsi sauver son peuple dans le futur. Pour cela, elle veut exterminer la seule tribu blanche de cet espace. Cependant, chaque décision pousse le cours de l’histoire vers une direction inattendue. En même temps, Tawny craint que sa présence change l’histoire. Comme dans le premier volume, l’auteur est confus : le destin est-il inéluctable ? Si oui, les Européens ne peuvent que s’imposer.
Le dessinateur du premier récit, Davide Gianfelice, opère des choix graphiques et scénaristiques étranges. Les habitants de la préhistoire portent un bandeau en cuir et des plumes. Ils logent dans des tentes rondes en cuir. Ce sont donc des Amérindiens tels qu’on le voit dans les films. L’idée de Stephen Graham Jones est que ces peuples premiers sont restés inchangés et demeurent victimes d’un massacre. Comme le dit la narratrice, l’histoire se répète. Cependant, ce choix essentialise les peuples premiers. Forcément victimes des blancs, ils sont destinés régulièrement à être exterminés.
Cette suite d’Earthdivers rassemble trois dessinateurs. Le premier chapitre par Riccardo Burchielli est déroutant. Sans doute pour insister sur la sauvagerie de la période préhistorique, il laisse volontairement des aspects inachevés, de traits bruts anguleux et épure les visages et les décors. Cependant, ce choix laisse une sensation d’inachevé et des cases bâclées. Dans le deuxième récit, Riccardo Burchielli a des formes plus rondes même si l’ambiance globale reste identique. On peut regretter que le changement de dessinateur à la moitié de l’épisode trois ne soit pas signalé. Le dernier épisode par Patricio Delpeche est plus doux mais tout aussi bâclé. La couleurs par Joana Lafuente sont profondes et vives. Elle utilise la lumière du soleil et de la lune pour donner une nouvelle expérience visuelle.
Ce deuxième tome d’Earthdivers édité par Black River prolonge et complexifie les aventures temporelles en remontant dans le passé. Le projet de vengeance pour réparer l’Amérique devient de plus en plus fragile. Le troisième tome promet un final explosif.
Retrouvez sur le site la chronique du premier tome et une autre bd sur l’histoire, Marjorie Finnegan.